1966 : Janusz Korczak et le scoutisme polonais,

… une très passionnante présentation de Colette Charlet.

 

 

« Un si long chemin ensemble…

Quand je suis allée pour la première fois en Pologne, en 1966, ce fut pour découvrir leur mouvement de scoutisme : à savoir les Z.H.P..

Ce fut grâce à notre Mouvement que ceux-ci furent reconnus par le scoutisme international. Ils en sont reconnaissants à tout jamais et c’était sans compter sur cette figure historique des ZHP : Marianna, femme héroïque et généreuse, dont nous fîmes connaissance en 1965 (Camp National Route de Serres-Ponçon) et où était présent le mouvement allemand. Ce furent des rencontres symboliques pleines de perspectives.

Donc, un premier camp, “ historique ” à bien des égards, au travers la Pologne avec des aînés de l’Île de France, dont ceux de mon clan pour faire aussi connaissance avec les ZHP, sur de nombreux lieux de camp. Ce projet nous permit de comprendre l’histoire douloureuse et la culture de ce pays. Et pour moi, de famille d’origine juive-polonaise, ce fut aussi une façon de découvrir ma propre histoire, d’avoir des réponses aux questions que je me posais ; parce que ma mère décédée trop tôt ne put le faire, de rechercher les traces fragiles de mes proches disparus dans les camps d’extermination. Les membres de mon clan surent m’accompagner, me soutenir en trouvant des paroles d’espoir, de réconfort. Grâce à eux, depuis 1966, j’ai enchaîné les voyages en ce pays pour des rencontres multiples avec les militants d’éducation populaire et nouvelle qui ont marqué l’histoire de l’éducation tant dans leur pays, qu’au delà de leurs frontières. C’est ainsi que, dès la fin des années 70, j’ai découvert la figure du Dr Janusz Korczak, natif comme ma mère de Varsovie. Moments émouvants où l’on reçoit les témoignages des ZHP, des collaborateurs(trices), pupilles de Korczak.

J’ai mesuré combien ce pionnier de l’Education Nouvelle avait laissé une empreinte sur les actuels responsables du scoutisme polonais.

Sans citer le nom de Korczak, ma mère évoquait ses souvenirs au sein d’un mouvement populaire de jeunes : “ Hashomer Hatzair ” inspiré des idées de Baden Powell, qui se créa tout comme les ZHP en 1910. Le Dr Korczak s’empara des idées éducatives de ces mouvements lorsqu’il organisait ses colonies, camps de vacances, durant l’été pour l’ensemble des orphelins.

Quand on lit l’ouvrage “ Les colonies de vacances ”, on découvre que les jeunes vivent des activités de plein air, construisent en quelque sorte des projets de vie par des pratiques de coopération et solidarité, des “ Règles de vie ” (ouvrage de Korczak), apprennent à s’exprimer de manière créative. D’ailleurs il les exhortait : “ Enfants ! ayez des projets pleins de noblesse. Faites de grands rêves ; il en restera toujours quelque chose !… Il est difficile pour les enfants de dire ce qu’ils ressentent et à quoi ils pensent car il faut s’exprimer avec des mots et c’est encore plus difficile d’écrire. Mais les enfants sont des poètes et des philosophes. ” Le rouleau compresseur de l’Histoire, avec la Deuxième Guerre Mondiale passa par là, détruisant Varsovie, exterminant les Juifs, installant un silence assourdissant, opposant les communautés de pensée, pour asseoir la barbarie et la haine.

Vingt après, ce fut la force de nos deux mouvements, EEDF et ZHP, d’ouvrir des lucarnes d’espoir, de bonheur de dire : “ Plus jamais cela ! ”. C’est ainsi que nous avons imaginé des projets.

Nous n’avons pas fini de redécouvrir les bénéfices tirés de ces rencontres, pour y faire entendre nos voix singulières, donner réalité à nos rêves de fraternité, reconstruire par des actes de solidarité une société plus juste.

Similitude de pratiques novatrices de pédagogie de projets, construction d’instances démocratiques permettant la prise de paroles dans les conseils d’enfants, réflexion autour de la question des Droits de l’Enfant, dont Korczak fut l’inspirateur dès 1928 (cf. “ Le Droit au Respect de l’Enfant ”). Il s’opère alors des effets de transformation à long terme sur les personnes.

Toutes les rencontres auxquelles j’ai assisté sont marquées par la curiosité car nous avons tant de choses à nous dire, à apprendre de l’Autre. Nous ne sommes pas là pour demander des comptes à chacun, chacune… mais bien pour faire émerger des pratiques dans le champ de l’éducation populaire en particulier au sein de nos mouvements de scoutisme, afin de ne plus accepter des situations intolérables portant atteinte à la dignité et aux Droits de l’Enfant (cf. CIDE ratifiée en 1989 et que les EEDF ont mis en valeur au travers de la publication “ Tout droits ”). Oui, nous avons à cœur de construire une culture de paix dont les jeunes sont les messagers. Oui, une autre société est possible, permettant l’apprentissage de la démocratie et l’exercice de la citoyenneté.

C’est sur ces valeurs, ces idées que des groupes ZHP ont aussi engagé une démarche empruntant l’héritage de Korczak et lui donne vie dans des pratiques au sein des groupes et/ou lors des camps. Quand on rencontre les responsables nationaux, en leur siège national, on sent que cela reste présent, que l’on a le souci de faire sortir de l’ombre des actes considérés comme de résistance.

Il ne faut pas oublier que, comme pour notre mouvement, des jeunes se sont engagés contre la barbarie, l’extermination et ont parfois laissé leur vie. C’est pourquoi, chaque année un camp spécial, souvent international ZHP dédié à Korczak est organisé durant l’été, appelé “ Korczakowo ”. J’ai eu la chance de le découvrir en Août 2012. Il ne s’agit pas de pleurer à regret mais bien d’agir.

Beaucoup de similitudes avec notre Bécours National. Les jeunes apprennent à être acteurs de leur propre vie par des pratiques de création, de plein air. L’organisation y est autogestionnaire, avec des préoccupations écologiques…

Je me propose de vous faire découvrir cette journée du 5 Août 2012, 70 ans après le départ de Korczak qui sera exterminé avec ses 192 orphelins à Treblinka. »

 

Un groupe de jeunes Polonais sous la photo de Janusz Korczak

… et le lancement de 192 ballons à la mémoire des martyrs de Treblinka.