1982 : Daniel Champier, Pascal Henry et Fréderic Palaci : animation scientifique et technique

Le secteur Animation scientifique et technique (AST) : un scoutisme moderne qui s’empare des connaissances scientifiques et techniques par le jeu, les projets et les expérimentations et qui prend en compte les problèmes énergétiques, la sensibilisation à l’environnement et à la pollution.

 

 

Le contexte :

 

Dans les années 70, de grosses avancées scientifiques s’annoncent et de nombreux domaines des sciences et technologies s’ouvrent au grand public, à la fois par le développement des clubs et associations à caractère scientifique mais aussi par la mise à disposition dans le commerce de réalisations à faire soi-même : kits électroniques pour bricoleurs avertis, coffrets d’expériences scientifiques et l’émergence d’une presse spécialisée…

Parallèlement à cela la conscience écologique se développe dans la population avec la candidature en 1974 de l’écologiste René Dumont à l’élection présidentielle et le début de la lutte contre la centrale nucléaire de Plogoff.

Dès le début des années 80, ces activités se démocratisent avec la création des Centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI), puis l’ouverture de la Cité des Sciences et de l’Industrie à la Villette en 1986 et le travail des autres acteurs de l’éducation populaire (Léo Lagrange, CEMEA, Francas, ANSTJ) qui proposent de diffuser à un large public, enfants, adolescents et adultes, les connaissances scientifiques et techniques, et susciter l’intérêt des citoyens pour les enjeux de société liés à la science, à la recherche et à l’industrie.

Sur le plan politique et sociétal, les mentalités évoluent : l’écologie remporte une victoire symbolique avec l’abandon du projet de centrale nucléaire à Plogoff, les ondes se libèrent progressivement avec l’apparition des premières radios libres…

 

Les origines de la démarche scientifique aux éclés :

 

Pendant cette période, au sein de l’association, cohabitent tant bien que mal un mélange de groupes très traditionnels qui campent sur le scoutisme des origines et de groupes plus expérimentaux qui ont abandonnés beaucoup de référence au passé (uniforme, totemisation …) et qui cherchent de nouvelles activités, valeurs et manières de vivre tout en restant dans l’idée du scoutisme, école ludique de la vie.

Dans quelques groupes locaux des responsables commencent à utiliser ces technologies abordables pour créer par exemple des sonos et des jeux de lumière pour les fêtes de groupe mais aussi pour les « boums ». Lors du rassemblement de Top 76 les premiers ordinateurs arrivent.

De nombreux EEDF, au contact permanent de la nature de par la pratique des activités en plein air, prennent peu à peu conscience des enjeux environnementaux.

Le rassemblement de Bécours 81 où se concluent des projets d’années des groupes locaux et où des pionniers présentent des ateliers AST (notamment la construction d’un microémetteur FM ou d’un chasse moustiques), permet aux groupes locaux de se rendre compte qu’ils sont nombreux à s’être lancés dans les activités scientifiques et techniques : électronique, photo, mécanique, solaire, photovoltaïque, astronomie, micro-fusées informatique.

Pour les autres groupes locaux c’est l’occasion de découvrir et de se lancer dans la pratique de ces activités.

 

La mise en place du secteur AST :

 

En 1982, l’Équipe Nationale décide de créer un secteur animation scientifique et technique qui fédère un groupe de jeunes responsables passionnés de sciences et de techniques. Cette petite équipe, animée par un responsable associé à l’Equipe Nationale, met rapidement en place une pédagogie du projet déclinée suivant la démarche suivante :

  • découverte de l’activité de façon expérimentale et ludique,
  • abord de notions théoriques au travers d’expériences les plus ludiques possibles
  • réalisation d’un mini-projet pour s’impliquer un peu plus dans la technique
  • réalisation d’un projet.

Cette démarche est expérimentée lors d’un camp de regroupement intégrant ces nouvelles techniques et activités.

Ce secteur AST est caractéristique de la démarche des EEDF qui veulent vivre dans leur époque et être une force de proposition.

La réflexion des responsables et animateurs du secteur AST se portent aussi autour de la problématique des énergies. Des constats s’imposent à eux très rapidement : la finitude du pétrole, la raréfaction de l’eau potable, le gaspillage et la pollution avec tous les problèmes géopolitiques qu’ils engendrent.

Pour répondre à ces enjeux le secteur AST fait des propositions sur les énergies les énergies renouvelables, la sobriété, le recyclage. Le secteur a la volonté de s’appuyer sur des réalisations concrètes par exemple en organisant des visites d’une maison « autonome ».

 

Le terrain d’application idéal : le hameau de Bécours :

 

A partir de 1981, Bécours va devenir le lieu du développement des activités scientifiques et techniques car il permet d’organiser des camps et des stages, de rayonner et diffuser les AST à destination de tous les campeurs. Très présente sur le village, l’équipe AST va aussi faire de nombreuses propositions pour intégrer les énergies renouvelables dans la reconstruction du village.

 

Et le temps des questions :

 

L’équipe du secteur AST se pose de nombreuses questions : Comment intégrer ces thématiques dans le cadre de nos activités de scoutisme ? Quels projets d’activités ? Quelles disciplines scientifiques ou techniques mettre en œuvre ? Avec quels animateurs, quelles formations ?

Cette vision très novatrice au début des années 80 va se concrétiser dans deux directions : d’une part une dimension pédagogique à destination des enfants qui s’appuie sur la mise en œuvre de la démarche de projet et la formation des responsables et par ailleurs une dimension politique axée sur la valorisation et la promotion de nos idées au sein de l’association et dans les réseaux émergents de culture scientifique.

La dimension pédagogique va se concentrer sur la proposition d’utiliser les énergies renouvelables sur nos camps.

La réalisation de chauffe-eau solaire à l’aide de tuyaux noirs ou peints en noir, la construction de mini-éolienne permettant d’alimenter des gadgets électroniques, la construction de cuiseur solaire en utilisant des matériaux de récupérations (boites de polystyrène du poissonnier, emballage d’œufs). Ces cuiseurs solaires ne sont peut-être pas très performants sous nos latitudes mais ils ouvraient la réflexion qui a permis de faire évoluer les foyers 3 pierres à très faible rendement (moins de 10%) dégageant beaucoup de fumées noires toxiques par manque d’oxygène vers les foyers enterrés à coude de poêle des années 90 nettement plus performants. A l’époque tout est possible tant qu’on propose des cuiseurs solaires pour faire sécher des bananes mais l’équipe AST a très vite été catalogué d’illuminés dès que l’on fait des propositions pour les investissements EEDF et notamment pour le hameau de Bécours : chauffage solaire, isolation des murs, puits canadiens, mur Trombe …).

Durant ces années, les Sciences et les Techniques sont un enjeu important politiquement.

Le secteur AST va plus particulièrement :

  • participer aux Exposciences, lieux de rencontres à dimension nationale et internationale qui valorisent les échanges de pratiques en matière de culture scientifique,
  • déposer des demandes de subvention au ministère de la recherche pour promouvoir la science pour tous.
  • Au sein de l’association, l’équipe participe à de nombreux congrès régionaux pour présenter le secteur AST et ses activités d’animation et de formation.

 

 

Bilan et perspectives :

 

Notre équipe AST avait la fougue de la jeunesse et voulait tout expérimenter : la dimension politique de notre démarche a été beaucoup plus longue à s’imposer.

Nous-mêmes avions du mal à imaginer que nous puissions être aussi vite et directement touchés par ces problématiques environnementales. Les propositions très souvent caricaturées étaient portées par des jeunes, limite des marginaux. Le faible prix du pétrole pendant les 2 décennies suivantes n’a pas aidé à saisir la pertinence de ces projets. Il faudra attendre les années 2000 pour que cette dimension politique explose dans l’association avec Dimbali et les Zécolocamps.

Au cours de ces dix années d’existence, le secteur AST a œuvré pour :

  • La formation des animateurs et responsables par la mise en place d’un premier stage de formation BAFA perfectionnement animation scientifique et technique en 1983. Ces stages seront reconduits pendant plusieurs années avec certaines années jusqu’à 2 stages par an.
  • La mise en place de rencontres de la science à Bécours en 1983. Ces rencontres s’appelleront très rapidement des formations de formateurs avec une reconnaissance officielle par l’association mais aussi par le ministère de la Recherche et de la Technologie en 1985.
  • La publication de documents de vulgarisation à destination des responsables : « animation et astronomie », « animation et énergie solaire » mais aussi pour tous les éclés avec la publication d’articles à caractère scientifique ou technique dans la revue l’Équipée (l’article sur la réalisation d’un microémetteur radio, illustré par la première bande dessinée de la revue)…
  • En 1984, l’équipe crée une carte du ciel sur ordinateur Thomson TO7 avec des jeux de reconnaissance des constellations. Première « appli » au sens actuel du terme pour aider à la découverte du ciel
  • En 1985, nous jouons aussi avec un des premiers jeux d’aventure « l’Aigle d’or » sur les ordinateurs MO5 et Oric, une façon de prendre en main l’informatique tout en jouant.

40 ans après, notre contribution n’a été qu’une étape dans le long cheminement des éclés. Les sciences et les technologies sont omniprésentes. Aujourd’hui une multitude de logiciels, d’applications sont de remarquables outils pédagogiques à disposition des animateurs et des enfants pour reconnaître les plantes, découvrir les constellations, les cris des animaux, organiser des grands jeux avec GPS, mais aussi …échanger avec les éclés et autres du monde entier … agir politiquement pour l’environnement et l’avenir … Plus que jamais, les perspectives sont nombreuses, avec la maîtrise nécessaire de l’utilisation des outils que sont le WEB, nos mobiles et plus récemment l’Intelligence Artificielle.

Les nouvelles générations d’éclés vont devoir s’emparer de toutes ses évolutions et faire face aux défis que nous avions à peine imaginés.

Nous n’avions posé que les premières pierres, tout reste à construire, déconstruire, reconstruire, créer et imaginer. Les éclés, c’est l’aventure de la vie avec des valeurs.