1956 : Liquidons nos préjugés

 … et profitons-en pour redéfinir notre laïcité

 

 

Ce grand article d’Yvon Tarabout,  qui, tout au long des revues du Mouvement, joue le rôle de pédagogue de la pensée, traite d’un sujet sensible, celui du préjugé « jugement acquis avant l’expérience, et portant cependant sur l’expérience, ce qui est un erreur logique manifeste » mais « capable de résister à toutes les expériences ». Cette analyse est centrée sur le problème, très actuel à cette époque, de l’égalité entre homme et femme, de la mixité et de la coéducation, solution définie par le Mouvement.

 

Cette approche quelque peu intellectuelle va se traiter par étapes :

–   dis-moi tes préjugés, je te dirai qui tu es,

–   au fait, n’y aurait-il pas des préjugés propres aux E.D.F. ?

–   la laïcité serait-elle un préjugé favorable, systématique, à l’égard d’autrui ?

–   l’égalité entre hommes et femmes, un beau préjugé E.D.F. !

–   l’évolution d’un préjugé à travers les siècles,

–   et maintenant, comment nous attaquer aux préjugés, bille en tête ?

 

Cette progression est amusante et s’avère efficace : dans la première partie, on constate qu’ « il est des préjugés sociaux, alimentaires, raciaux, professionnels, religieux, politiques » et que « dans une société en évolution, (…), le préjugé représente un facteur de retardement et, objectivement, de discorde. On est donc amené à considérer tel ou tel préjugé comme nécessaire ou non, suivant qu’on juge saine ou non l’évolution actuelle de la société. » 

Autrement dit, les préjugés accompagnent les prises de position…

 

En ce qui concerne les E.D.F., « pour simplifier la discussion, nous admettrons qu’ils en ont. » « Notre préjugé, aux E.D.F., sera, sinon de n’en pas avoir, du moins de mettre nos préjugés ou opinions personnelles (…)  de côté, (…) parce que nous savons que nos préjugés et ceux des autres sont un frein pour le progrès social, dont nous nous plaisons à dire que nous sommes, dans notre domaine éducatif, les promoteurs. »

 

Le paragraphe traitant de la laïcité prolonge cette remarque et aborde le sujet de la mixité :

«  C’est là que commence la laïcité, qui, dans tous les actes, est le préjugé favorable, systématique, envers toute personne dont la position nous déroute au premier abord. » (…) « Il est, pour les E.D.F., un aspect plus particulier de la laïcité, ou, d’une façon plus générale, de la tolérance : c’est le problème de la justice, de l’égalité, qui doit régner entre hommes et femmes. (…) La mixité peut n’être qu’une coexistence. Pour liquider les préjugés, il faut la coéducation, et c’est tout le problème. » 

Et c’est sur ce point particulier que l’évolution du préjugé est analysée, au long des siècles, « même si, rassurez-vous toutefois, je n’irai pas remonter jusqu’au cœlacanthe », pour en venir à la période actuelle, en se posant la question : « Comment donc les délivrer de cette roue fatale (des préjugés de toutes sortes), si ce n’est en la brisant ? ».

 

La conclusion est sans appel :

« Les E.D.F. ont résolu de démolir ensemble les préjugés pour construire ensemble une société libérée des inégalités qui n’ont pas, n’ont plus, ou ne doivent plus avoir de réalités à leur base. »

Et pour terminer :

« Il faut en finir avec le Moyen Âge, et la situation a déjà beaucoup évolué. (…) Alors, soyons cohérents avec nous-mêmes. Ne nous épargnons pas. Arrachons cette tunique de Nessus adhérant si étroitement à nous depuis les plus antiques malédictions. Aidons-nous les uns les autres, libérons-nous les uns des autres. Liquidons nos préjugés. »