1911 : Deux « fédérations » non confessionnelles

 Après les premières expériences, est venu le temps de la réflexion pour la création d’une « structure » permettant de faire vivre ensemble tous ceux qui souhaitaient s’intéresser à cette nouvelle approche éducative, quels que soient leurs secteurs d’activité ou leurs objectifs. C’est ainsi qu’un certain nombre d’éducateurs, théoriciens ou praticiens, ont à réfléchir à ce que pourrait être un scoutisme adapté à notre pays.

Le problème n’est pas simple, apparemment pour deux raisons :

– d’une part, la différence d’approche – et de personnalité – entre les deux « promoteurs » initiaux de l’idée, Pierre de Coubertin et Nicolas Benoît,

– d’autre part, l’opposition de la religion majoritaire à cette innovation, qu’elle considère comme une agression.    

   

Nicolas Benoît et Pierre de Coubertin

Première expérience de scoutisme à Paris, dans un foyer rue de l’Avre, sur l’initiative du Pasteur Gallienne qui fut par la suite, et pendant de longues années, vice-président des Éclaireurs de France. Il avait correspondu avec Robert Baden-Powell et rencontré une troupe anglaise en août 1910 à Guernesey… D’autres « troupes » ont suivi, dès 1911, dans plusieurs foyers parisiens – dix en octobre 1911. En mars 1911, Georges Bertier, qui deviendra plus tard, et pour de longues années, président des Éclaireurs de France, crée une troupe « non-confessionnelle » à l’École des Roches qu’il dirige. Une autre expérience se situe à Caen avec le Dr Leboucher. Jacques de Marquette, qui rejoindra les Éclaireurs Français où il prendra également des responsabilités nationales, est également parmi les premiers « inventeurs » du scoutisme en France.

Nicolas Benoît, officier de marine, va entreprendre de lancer le Mouvement en France : en 1910, en Angleterre pour un stage, il prend contact avec le scoutisme et, à son retour en avril 1911, il demande à son ministre une mission de quelques mois pour mettre sur pied un Mouvement d‘envergure nationale. Il s’attache à trouver les appuis qui aideraient cette création : André Chéradame, Charpentier, Bertier, Gallienne, Williamson… Chéradame le met en relations avec Pierre de Coubertin, qui, en plus de son action dans domaine sportif, croit à la valeur éducative du jeu et expérimente des méthodes qui ont des points communs avec le scoutisme.

En juin et juillet, le Journal des Voyages publie un appel hebdomadaire pour la « Ligue d’éducation nationale », créée par Pierre de Coubertin, et le scoutisme ; en septembre, Nicolas Benoit fait éditer par le Journal des Voyages une brochure intitulée « Les Éclaireurs de France : plan d’organisation des troupes d’éclaireurs » avec l’insigne de l’arc tendu et la devise « Tout droit ». En octobre, la « Ligue d’Éducation Nationale » présente solennellement à la Sorbonne, sous la présidence du recteur Liard de l’Université de Paris, « les Éclaireurs Français, boy-scouts de France » qui, bien que faisant partie de la Ligue, sont donc la première association de scoutisme créée dans notre pays. (Leurs statuts, en tant qu’association indépendante, seront déposés en novembre 1913.)

En novembre, à un congrès des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens, une position est claire : « sans l’esprit évangélique, une tentative d’éducation, si noble soit-elle, échouera piteusement ». Les Éclaireurs Unionistes, réunis en tant que tels, adoptent leur propre insigne et déposent, en mai 1912, leurs propres statuts. Dans le même temps, l’église catholique – ou, du moins, certains de ses dignitaires – critiquent sévèrement le scoutisme pour ses origines protestantes et maçonniques. Et les amis catholiques de Nicolas Benoît tiennent à un Mouvement ouvert à tous… Rien n’est simple !

En novembre 1911, Nicolas Benoît et ses amis des « Éclaireurs de France » se retirent officiellement de la Ligue d’Éducation Nationale et les statuts d’une nouvelle association sont déposés le 2 décembre.  Ce n’est qu’en 1964 que les deux associations non – confessionnelles – se rejoindront pour créer le nouveau Mouvement, les Éclaireuses et Éclaireurs de France.

Jusqu’à la déclaration de guerre, les effectifs des E.D.F. augmenteront lentement mais sûrement : 4800 en 1913, 9600 en 1914. Dès les débuts de la guerre, les E.D.F., comme les E.F., tiennent leur place et apportent leur esprit de service.Le scoutisme garde une connotation de préparation militaire et de patriotisme justifié par la période vécue, comme l’atteste ce chant retrouvé par Jean-Marie Clerte :

À partir de 1916, l’introduction d’« Éclaireurs », traduction française du « Scouting for boys » de Baden-Powell, s’accélère. C’est l’amorce d’un virage… et d‘un retour aux sources du « scoutisme de B.P. ».

Source : les E.D.F. de 1911 à 1951