1922 : En Bretagne après la guerre

 Un développement, une évolution et une organisation avant la création d’un scoutisme catholique conquérant

 

 

Toujours d’après l’ouvrage de Christophe Carichon, les années de l’immédiate après-guerre voient un réel développement du scoutisme dans la région, avec la création de nouveaux groupes dont certains n’ont qu’une existence furtive : Saint-Malo, Callac, Vannes, Dol, Redon, Saint-Nazaire, Fougères, Rennes, Quimper, alors que « Perroc-Guirec, Brest et Nantes connaissent une éclipse plus ou moins longue ». Comme un peu partout, la survie des groupes suppose une solide implantation à reposant sur un « comité local » présenté comme suit : « Il est formé d’adultes qui gèrent financièrement l’unité, contrôlent les chefs de terrain et assurent les relations avec les autorités civiles et la hiérarchie du Mouvement EDF. Le comité local donne une respectabilité aux adolescents et chefs en culottes courtes de ces années ».

Nous trouvons ici le même fonctionnement, par exemple, qu’à Troyes, le comité local assurant aussi – et quelquefois surtout – la pérennité de la présence de la Fédération. Même lorsque, ce qui est fréquemment le cas, la section recrute surtout auprès des jeunes d’un établissement, elle ne lui est pas rattachée et ce recrutement n’a rien d’exclusif. On ne trouve pas, dans le scoutisme laïque, de rattachement à une structure – paroisse, école du dimanche –  qui caractérise déjà, à cette époque, le scoutisme unioniste et qui caractérisera bientôt le scoutisme catholique. De ce point de vue, les groupes E.D.F.  sont en « apesanteur » au plan local, ce qui pose évidemment de délicats problèmes de relais lorsque des responsables adultes, sur lesquels repose le groupe, disparaissent.

La Fédération elle-même est structurée en « régions » ou « provinces » et, comme le fait remarquer l’ouvrage évoqué, la région de Bretagne des E.D.F. ne coïncidera avec la Bretagne « historique » qu’à partir de 1930. (Pour ceux qui connaissent le coin, ce sera « lorsque la Loire-Inférieure lui est rattachée au détriment de la région « Maine Anjou Vendée » dont ce département faisait partie depuis 1924 »). À partir de 1919, la région dispose d’un bulletin dénommé « Le vieux sachem, organe régional mensuel des troupes de boy-scouts de l’Ouest ». Un congrès régional a lieu chaque année et « des camps de secteurs (plusieurs troupes proches) permettent aux éclaireurs de se rencontrer et de se mesurer ». À partir de 1922, on trouve les trois branches dans les groupes solides des grandes villes.

L’ouvrage cité évoque le rôle de « mouvement civique » joué par les E.D.F., entraînant « le soutien sans réserve des représentants de l’État républicain ». Et la Bretagne présente une particularité notable par rapport au reste de la France, où les rapports avec l’Église catholique restent tendus : au début des années 20, l’évêque de Saint-Brieuc est « président d’honneur » de la troupe E.D.F. locale, et il est « le seul évêque français à prendre un tel engagement public en faveur du scoutisme neutre ». « À sa mort, en janvier 1923, le délégué régional Fender, professeur au lycée Anatole le Braz, lui dressera dans L’Éclaireur de France un panégyrique digne de La Semaine Religieuse ».

La description qui est faite des activités confirme les éléments que nous avons trouvés ailleurs :

« L’encadrement des Éclaireurs de France est constitué, de manière plus ou moins institutionnelle, de professeurs, d’instituteurs ou de répétiteurs de l’école publique. Les militaires des années 10 ont donc laissé la place, même si l’on trouve encore à la présidence du groupe de Brest, au début des années 30, un capitaine d’infanterie coloniale assisté d’un capitaine de vaisseau en retraite. Conséquence de la mutation de l’encadrement, les activités des éclaireurs sont plus variées qu’avant 1914 et l’esprit militariste a quasi totalement disparu tandis que l’uniforme s’est modernisé (culotte bleue, chemise kaki, pull vert pour les éclaireurs, bleu dominant pour les louveteaux, chemise grise pour les routiers) ».

Rappelons, au passage, que cette « mutation » est la conséquence des décisions prises lors de l’Assemblée Générale de 1921, conduisant, à la fois, à une prise de distance par rapport aux activités à caractère militaire et à un « retour vers le scoutisme de B.P. ». Cette évolution a donc été suivie en Bretagne, peut-être avec un certain décalage comme il est fréquent dans le Mouvement.

L’ouvrage breton évoque également l’émergence du scoutisme féminin, dont l’auteur pense qu’il est « à l’heure actuelle, assez mal connu », mais il n’a pas trouvé trace  de filles avant les années 30.  On peut se demander pourquoi un ouvrage intitulé « Scouts et Guides en Bretagne » consacre une trentaine de pages, richement documentées, au scoutisme « neutre » : en fait, c’est pour planter le décor de l’arrivée d’un scoutisme catholique fort bien organisé et très dynamique dans les années 20.