2012.04 : Raymond Aubrac - Engagement, citoyenneté, paix...

Sam24Avr201009:21

2012.04 : Raymond Aubrac

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... le parcours de Raymond Aubrac, ancien éclé

(Complément à l'article de Routes Nouvelles)

Routes Nouvelles, tout au long de ses numéros récents, a abordé plusieurs sujets concernant les valeurs de notre Mouvement, et a utilisé de grands mots. Mais il est intéressant de voir comment ces valeurs se traduisent dans la vie courante, et comment il est possible de passer des mots aux actes. Le parcours de Raymond Aubrac en donne un excellent exemple.

L’engagement :

Le premier choix de notre ami, celui qui est connu de tous, est, très rapidement, celui de l’engagement dans  la Résistance, à l’occupant nazi mais aussi à un régime qui a choisi de l’accompagner.  Ce choix était, avant tout, une désobéissance. Dans la préface qu’il nous a donné pour l’ouvrage « Une jeunesse engagée », Raymond Aubrac s’en explique : « L’engagement dans la Résistance, je l’ai ressenti conforme à ma formation d’Éclaireur. Entrer en Résistance par des gestes volontaires, en acceptant l’illégalité au nom de motifs de conscience, c’était dicté par des contingences immédiates, mais c’était conforme à ce qui avait contribué à former ma personnalité ».

La citoyenneté :

Mais ce choix n’est pas le seul : pour préparer la Libération et la future République, une assemblée consultative, dont Aubrac a fait partie, a préparé à Alger le programme du Conseil national de la Résistance, dont un autre de nos anciens, Eugène Claudius-Petit, a été aussi un des acteurs. À l’engagement initial va s’ajouter le rétablissement en France de la citoyenneté, à partir de quelques mesures phares :

-   des mesures politiques comme le rétablissement de la démocratie, du suffrage universel et de la liberté de la presse, sans oublier le vote des femmes,

-   des mesures économiques caractérisées par « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie »

-   des mesures sociales, et notamment un rajustement important des salaires, le rétablissement d'un syndicalisme indépendant et des délégués d'atelier et « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État »

C’est ce programme que, nommé par le général De Gaulle « commissaire de la République » (c’est-à-dire préfet) dans la région de Marseille, Aubrac commencera à faire appliquer. C’est ce programme qui définit, aujourd’hui encore, l’essentiel de la vie de notre « république » et il semble répondre aux besoins de la majorité des citoyens, même s’il est contesté par certains.

La paix :

Une fois revenu à la vie « civile », après cette période de forte implication dans la redéfinition de notre collectivité, Raymond Aubrac a consacré beaucoup de temps, et de militantisme, à la recherche de la paix dans un monde qui se remettait difficilement de ce conflit, mais qui se trouvait confronté à de nouvelles difficultés, nées, en particulier, de la nécessité de sortir de la colonisation. Ce choix imposait la domination de certains pays sur d’autres considérés – de bonne foi - comme incapables de se diriger eux-mêmes, et conduisait quelquefois à une véritable spoliation des populations locales ; il  était évidemment à revoir, mais ce n’a pas été très facile. Aubrac y a joué un rôle non négligeable, souvent mal connu.

Sans entrer dans le détail – le texte des discours prononcés lors de l’hommage national qui lui a été rendu aux Invalides est sur le site « Histoire du scoutisme laïque » - notons une première mission au Maroc nouvellement indépendant  pour en conseiller les nouveaux cadres vers un processus de développement, en particulier en matière d’irrigation : c’est une contribution à la paix entre l’ancien colonisateur et le pays récemment « libéré ».  Très peu de temps après, il est appelé par le directeur général de l’organisation internationale contre la faim, le F.A.O.  et, dans le cadre de cette nouvelle mission à Rome, il entre en relations avec une personnalité américaine de tout premier plan, Robert Mac Namara, et avec… le Vatican. Ces contacts lui serviront par la suite…

À partir de 1946, il a noué des relations avec Ho Chi Minh, venu à Paris pour négocier avec le gouvernement français une solution pour sortir de la colonisation le Viet Nam, qui s’appelait alors l’Indochine. Quelques années après, certains militaires U.S., qui ont remplacé les Français dans la guerre sur place, ont envisagé de faire sauter les digues qui protégeaient les villages du pays au Nord du Fleuve Rouge ; Aubrac prend contact avec le Vatican et un texte, préparé avec la Curie Romaine, est lu par le pape lui-même à la foule réunie un dimanche place Saint-Pierre ! Les militaires U.S. renoncent à ce qui aurait été un crime contre l’humanité.

Dernière étape de son action au Viet-Nam : informé des dégâts provoqués, après la signature des accords de paix, par les mines posées par les Américains, qui tuent des dizaines de civils chaque jour, il intervient auprès des autorités U.S. pour obtenir que les services secrets remettent aux Vietnamiens les plans de ces dispositifs, ce qui sera fait, secrètement, quelques semaines après.

Engagement, citoyenneté, paix, ces mots semblent souvent être… des mots. L’exemple de Raymond Aubrac démontre qu’ils peuvent se transformer en actes.

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