2018 : table ronde : pour une association inclusive,

Mer13Fév201910:13

2018 : table ronde : pour une association inclusive,

 

… un futur à imaginer à partir d’une expérience

 

 

Le texte qui suit est le compte-rendu d'une « table ronde » au cours de la « journée de la mémoire du scoutisme laïque » le 24 novembre 2018

 

 

Table ronde de fin de journée

 

 

 

 

Animateur : Henri-Pierre Debord

 

Participants : les intervenants de la journée, en dialogue avec les participants…

 

 

 

 

Voici venu le moment au cours duquel, journée de la mémoire après journée de la mémoire, nous tentons de relier dans notre réflexion passé, présent et avenir. Cette fois, c’est par une table ronde associant les témoins de ce matin et les analyses et expertises de cet après-midi que nous allons nous livrer à cet exercice. Cette quatrième édition  des « Journées de la Mémoire » que nous venons de vivre nous a fait mesurer encore mieux que les précédentes que le lien entre les « étapes » ne peut être intelligible pour toutes et tous que si nous parvenons chaque fois à nous entendre  sur les mots qui fédèrent, donnent sens, éclairent  notre thème de l’année. Le thème de  cette année était  « Scoutisme laïque et accueil du handicap ». Des mots-clefs, nous en avons entendu beaucoup aujourd’hui. Comment sont-ils appréhendés et portés par les uns et par les autres ? Sommes-nous capables de nous accorder à leur propos ? Et surtout, comment les faisons-nous correspondre à la méthodologie de l’éducation par le scoutisme résumée dans la formule « méthode scoute » et ses huit piliers ? Est-ce que chacun(e) les a bien en tête ?

 

 

 

Ceux qui me connaissent savent qu’il me faut chaque fois préciser les repères avant d’engager le débat. Et ces repères essentiels sont cette année dans les trois mots « Extension » (Scoutisme d’extension), « Intégration » (Scoutisme d’intégration), « Inclusion » (Scoutisme, accueil du handicap et inclusion). Pour entrer dans le vif du sujet, je vous propose donc les définitions suivantes empruntées aux dictionnaires qui sont notre référence commune, tout du moins j’ose l’espérer :

 

-   Extension : Action de reculer les limites de quelque chose, d’agrandir, d’accroître l’étendue de cette chose. La « chose » en question est-elle bien pour nous tous ici le Scoutisme ? Et dans le cas du « oui » comme dans le cas du « non », cette extension, comment mieux la préciser ? Si l’on poursuit dans l’examen des définitions du terme, on trouve chez Larousse par exemple cette approche : « Augmentation d’importance, accroissement en volume, en étendue » et plus précisément dans le domaine de la  logique « Champ à l’intérieur duquel un concept, un langage, une théorie prennent exclusivement leur référence et leur signification ».

 

-   Intégration : « Incorporation de nouveaux éléments à un système » ou « Assimilation (d’un individu, d’un groupe) à une communauté, à un groupe social ». Ces deux définitions s’entendent par opposition à celle de ségrégation.

 

-   Inclusion : mot provenant de l’anglais et donc « concept » du monde anglo-saxon, vectorisé par les organisations intergouvernementales puis par extension (sans jeu de mots) nationales. Il est lié aux mouvements des droits humains (et non des racines des « droits de l’homme et du citoyen ») concernant les personnes porteuses de handicaps. Ces mouvements ont vu le jour et se sont développés dans les années 1960-1970. Ils ont trouvé des échos, notamment auprès de l’ONU dans plusieurs déclarations entre 1983 et 1992. Le concept d’inclusion met en lumière la place « de plein droit » de toutes les personnes dans la société, quelles que soient leurs caractéristiques.

 

 

 

Un mot encore sur les connections entre intégration et inclusion. L’intégration est, quant à elle, un terme générique majoritairement utilisé dans le domaine du handicap. Cela signifie dans le langage commun l’adaptation d’individus « différents » à un système dit normal. Dans l’inclusion il n’existe pas de groupe de personnes avec ou sans handicap, toutes les personnes présentent des besoins communs et individuels. L’égalité et la différence trouvent leur place, la diversité est la norme.

 

 

 

Les pratiques du « scoutisme d’extension » au bénéfice des handicaps physique et sensoriel n’étaient-elles pas plus en adéquation avec le scoutisme classique que ne le sont les pratiques d’aujourd’hui en termes d’accueil du handicap principalement mental ? Comment analyser ce décalage ? Comment décrire cette tension entre héritage et innovation ?

 

 

 

Pour commencer, je souhaite donner la parole à Jean-Jacques Joussellin qui a centré son propos sur la notion de « justesse » des propositions pédagogiques de notre scoutisme à l’intention des handicapés et aussi évoquer le risque via l’allégorie de la boîte de Pandore. Jean-Jacques, peux-tu expliciter ton propos de tout à l’heure ?

 

 

 

Jean-Jacques Joussellin :

 

 

 

 

Le mythe d’Epiméthée et de Prométhée a introduit à la notion de « prendre soin », basée sur le Savoir être et le Savoir faire. Pour accompagner la personne dans sa construction, le séjour vacances est un formidable espace d’expérimentation.

 

Les ingrédients proposés par le scoutisme sont : l’éducation par l’action, dans la nature, dans une vie en petits groupes, par une progression individuelle possible grâce à un soutien de l’adulte dans une relation éducative qui accepte le « pouvoir d’agir » du jeune sur son projet.

 

Où en est la capacité actuelle des Éclés à pouvoir expérimenter, dans l’action, une ouverture aux autres et à la différence ? N’y a-t-il pas un ethnocentrisme des Éclés qui passent beaucoup de temps à se penser, à se redéfinir, à se remettre en cause. Les mouvements scouts sont-ils lisibles  dans leur proposition de loisir éducatif, pour les institutions, prescripteurs économiques, à la recherche d’un temps de loisir ?

 

La question de la fidélisation des animateurs se pose également, afin que le savoir-faire éducatif ne se perde pas.

 

 

 

Thierry  Piot :

 

 

Regarder dans le passé les expériences marquantes et parfois innovantes des EEDF en matière d’accueil des personnes handicapées n’a pas pour objectif de « ressasser » un temps qui serait glorieux mais révolu. Notre mouvement a été aux avant-postes de la société et – au sens propre – a participé à éclairer la voie.

 

De mon point de vue, l’important aujourd’hui est d’être héritiers de cette posture : être acteurs de l’éducation populaire au service de chacun, et non pas s’endormir sur les lauriers du passé et se satisfaire d’une forme de conformisme. Ainsi, évoquer le passé a pour fonction première de nous tenir éveillés, d’être attentif à notre environnement social et être une force de proposition et d’action. Cela me semble être l’ADN des EEDF.

 

Le message, ainsi adressé à la réflexion et l’action d’aujourd’hui et de demain, est de garder vivant cet esprit d’expérimentation. Les EEDF n’ont pas été des imitateurs mais sont animés par le désir de conduire des aventures dans le champ du vivre ensemble et d’ouvrir, par l’action, des débats pour une forme de progrès social sans lequel il n’est pas de progrès tout court. Ce qui importe, ici et maintenant, est bien d’être héritier contemporain de cet état d’esprit et d’écrire de nouvelles pages.

 

Un point peut être particulièrement rappelé, qui est commun aux témoignages de la matinée : accorder du crédit à la parole des personnes en situation de handicap, ne pas parler à leur place et ne pas se contenter d’agir pour elles – ce qui est déjà une forme de bienveillance humaniste – mais agir avec elles, comme nous y invite les travaux de Johan Tronto. Cette ambition n’est pas une chimère. La jeunesse d’aujourd’hui est plus généreuse et porteuse de valeurs qui s’écartent du consumérisme ambiant plus qu’on ne le dit. Les EEDF ont à offrir un champ d’expérimentation pour inventer l’inclusion en actes. Les groupes locaux et les services vacances, à cet égard, sont des espaces complémentaires dans leurs propositions.

 

Certes le Mouvement EEDF peut apparaître actuellement en manque de repères, comme en apnée. S’ouvrir plus largement aux personnes handicapées est, à mon sens, une dimension du projet éducatif du scoutisme laïque pleine d’avenir qui peut s’appuyer sur un passé solide.

 

 

 

Henri-Pierre Debord :

 

 

Merci à Thierry Piot pour cette approche qui associe expérience au sein du Mouvement et analyse distanciée d’expert. Thierry relève l’existence d’un « passé solide ». Comment ce passé peut-il servir de repère pour l’avenir ? Qu’en pensez-vous ?

 

 

 

Catherine  Bastide :

 

 

Le passé est le passé, il a joué son rôle.

 

Des gosses étaient enfermés, il fallait les sortir. Il ne s’agissait pas uniquement de malades, nous sommes allés vers les divers lieux accueillant des enfants : foyer des P.T.T. de Cachan, orphelins de la police, centre d’accueil de l’Assistance Publique de Denfert-Rochereau… Maintenant ils sont dispersés, il faudrait les retrouver.

 

Dans notre secteur, les sourds cherchent leur monde de sourds, ils ont moins besoin des entendants, ils ont des moyens techniques pour communiquer, le problème n’est plus le même.

 

En réalité, nous ne nous sommes jamais considérés comme un groupe « Extension », nous étions un groupe parmi d’autres groupes – groupes de sourds, groupes populaires, etc. Et nous n’aurions jamais supporté des insignes montrant qu’on faisait partie d’un groupe différent des autres. Pour les sourds, ce qui semble passer mal aujourd’hui c’est d’être encore considérés comme « handicapés », même si on dit « en situation de handicap auditif » !

 

 

 

Hélène Dumas-Lerner :

 

 

Suite à l’exposé très complet de Catherine, je pense qu’il peut être intéressant d’ajouter quelques mots en tant qu’ancienne responsable de l’unité de louveteaux entendants « jumelée » avec la meute du groupe Saint-Jacques.

 

Quand les jeunes entendants ont rencontré pour la première fois leurs nouveaux copains, ce premier contact les a beaucoup impressionnés. En effet, les enfants sourds sont normalement plus bruyants, le timbre de leur voix peut être inhabituel, leurs gestes sont plus brusques et plus amples. Et comment communiquer avec eux ?

 

Après ce premier temps, le contact s’est rapidement établi, sans difficultés notables. Tous ont appris à se connaître les uns et les autres, au-delà de leurs différences. Des liens se sont créés. Il a rarement fallu rappeler qu’aucun louveteau ne devait être désigné comme « le sourd », car toute personne a un prénom. Naturellement, les entendants ont appris à mieux articuler et à utiliser quelques signes pour communiquer avec leurs copains handicapés.

 

Bref, une expérience enrichissante et stimulante pour toute l’unité, y compris au niveau des responsables, car il a fallu trouver une organisation et des activités communes à tous les enfants.

 

 

 

Michel Francès :

 

 

Comme j’ai essayé de l’expliquer ce matin, je confirme qu’il n’y a pas, à mon avis, une méthode particulière pour appliquer les fondamentaux du scoutisme à des jeunes en situation de handicap. C’est la nature même du handicap qui nous oblige à nous adapter pour essayer d’appliquer la « méthode scoute » à chaque individu selon le degré de son handicap.

 

Dans un groupe local (SLA) tous les jeunes qui nous sont confiés sont différents et notre pratique de tolérance devrait faire en sorte que nous essayons de développer le « vivre ensemble » Pour cela intégration et inclusion sont des maîtres mots. Faire en sorte que chaque jeune puisse accéder au même but en pratiquant une entraide commune et réciproque. Par contre, dans la mesure où on regroupe à l’écart (centres fermés, hôpital) des enfants porteurs d’un handicap identique, même à des degrés différents, l’approche du scoutisme s’avère toute autre. La méthodologie devient plus facile car adaptée et uniforme. Seule la finalité demeure : permettre à l’enfant de surmonter son handicap et de vivre heureux.

 

Pour revenir à mon expérience avec les jeunes polios, je peux la résumer sous deux approches :

 

-   elle a été temporaire, les jeunes polios n’existent plus si ce n’est dans les musées de la médecine et mon action relève aujourd’hui de l’archéologie médicale,

 

-   sur l’aspect humaniste elle est toujours fondamentale car elle permet, grâce au scoutisme, de donner au jeune handicapé l’esprit d’initiative et la volonté nécessaire pour réussir pleinement sa vie d’adulte.

 

Je demeure convaincu que la solution ne passe pas par un regroupement des enfants handicapés mais bien au contraire dans un brassage de tous les jeunes ensemble pour s’accepter et valoriser leurs différences.

 

 

 

Henri-Pierre Debord :

 

 

Merci Michel pour cette réflexion en phase avec ton expérience et ton témoignage. Il a été  fait référence il y a quelques minutes à  la célèbre citation  « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. » Elle est, comme beaucoup le savent ici, de Jean Jaurès. Sur l’usage des mots à propos de « scoutisme et handicap », quelqu’un a-t-il un commentaire à faire ?

 

 

 

Janik Pikula :

 

 

On ne devrait plus parle d’« extension ». Le scoutisme doit s’étendre à d’autres catégories, en milieu populaire, rural, ouvrier… : on va l’adapter à différentes classes, pour permettre l’émancipation – c’est-à-dire la possibilité de sortir de sa catégorie.

 

Lorsqu’il y a inclusion, la norme est la diversité. Le scoutisme est adapté à la diversité, pas à des catégories. À une personne, pas à une catégorie de personnes.

 

 

 

Jean-Marie Lecointre (dans la salle) :

 

Je propose un témoignage qui peut illustrer une phase de transition entre scoutisme d’extension et professionnalisation, entre « extension » et « scoutisme pour tous ». J’ai participé en tant qu’animateur aux camps d’été proposés par le Service Arc-en-Ciel des Scouts de France à Jambville en août 1977 et août 1978. Plusieurs des animateurs étaient étudiants en médecine, en psychologie, en orthophonie…, enseignants… Et il y avait un deuxième niveau d’encadrement du camp qui constituait une sorte de « supervision » (comme l’on dit dans la pratique professionnelle) des animateurs. L’accompagnement était de plus d’une personne par jeune accueilli, et les difficultés et pathologies étaient très variées. Cette expérience a été très formatrice pour moi, dans mon parcours pour devenir psychologue clinicien.

 


Véronique Gaillard (Responsable service Vacances pour tous Caen) :

 

Je suis d’accord sur le fond, pas sur la forme. À mes yeux, il y a intérêt à faire usage d’une typologie, d’une  classification pour mieux déclasser ensuite. Pour s’adapter, il faut préalablement  bien connaître et comprendre l’objet sur lequel nous travaillons.

 

 

 

Jean Jacques  Joussellin :

 

 

Quand on s’occupe de personnes en situation de handicap apparaît un besoin de s’adapter au « désavantage ». Quelle capacité a le Mouvement des Éclés pour adapter sa pratique, tout en gardant la base de la pédagogie. Quand on voit qu’existent des disputes d’un groupe à l’autre sur la question du « vrai scoutisme », de l’extérieur, on a le sentiment qu’existe une bataille qui fige la méthode, et qui permet peu l’ouverture à l’autre. Au fond, qu’est ce qui fonde la pédagogie du scoutisme, sommes-nous d’accord sur les bases pour ensuite pouvoir innover et adapter un scoutisme qui accepte la différence.

 

 

 

Yvon  Bastide:

 

 

Quand Catherine dit qu’il ne faut pas revenir au passé, elle a raison, mais il faut en tirer des conclusions. Par exemple, nous avons constaté que, à de nombreuses reprises, l’adaptation de notre scoutisme avait nécessité d’aller plus loin : Henri Joubrel avec l’ANEJI, Jean-Claude Ferrand avec Saint-Lambert, Roland Morteveille avec la Maison des copains de la Villette, le directeur de l’école des polios à Garches, et aussi nos responsables de l’I.N.J.S. à Paris avec Loisirs Éducatifs… ont été conduits à créer des associations prolongeant l’action du Mouvement, à charge pour celui-ci d’assurer la pérennité de sa présence dans ces « filiales ». C’est peut-être une piste à étudier…

 

 

 

Henri-Pierre Debord :

 

 

Nous sommes passés en quelques dizaines d’années d’une société partageant un socle de principes et de valeurs  à une société où les individualismes se juxtaposent et où la détermination du « bien commun » implique différemment les différentes catégories de personnes contribuant à notre projet éducatif. Quand j’entends que les familles n’adhérent pas aux projets qui leur sont proposés pour leurs enfants handicapés, je m’interroge sur notre mission au regard de notre idéal de scoutisme précurseur. La réponse est-elle dans les projets de celles et ceux qui ont en charge aujourd’hui les destinées des E.E.D.F. et dans leur mise en perspective de l’histoire du mouvement sur chaque thème ? Je cède la parole à Jean-Amand Declerck.

 

 

 

Jean Amand Declerck (Directeur des Opérations et de la Communication des EEDF) :

 

Formaliser notre ambition à l’égard des personnes en situation de handicap est actuellement un des chantiers mis en perspective au sein de l’association. C’est un enjeu pour les acteurs éducatifs que nous sommes : la société et les politiques publiques sur ce domaine nous bousculent.

 

Il y a, de mon point de vue, une question de sémantique. Nous devons nous assurer que nous mettons les bons mots, les idées convergentes en face des situations auxquelles nous souhaitons apporter des réponses et pour lesquelles nous avons l’ambition de bâtir des outils d’éveil ajustés si possible à chacun : « Vacances adaptées » ?, Handicap ? « Scoutisme d’ouverture et de diversité » ? Ce sont des termes utiles pour nous dans notre relation avec l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout. Notre projet est un projet scout en direction de la jeunesse, pour l’aider à progresser et à devenir des citoyens utiles, actifs et heureux. Il nous faut donc avoir la volonté de prendre en compte les besoins éducatifs des personnes en situation de handicap, jeunes ou adultes.

 

 

 

J’aborde maintenant l’avenir. Qu’est-ce que je retiens de cette journée ?

 

 

 

1- J’observe l’existence d’une forte corrélation entre les offres du scoutisme d’extension et les besoins des familles dans la société de l’époque. À ce constat, j’ajoute qu’il y a nécessité aujourd’hui comme hier de tenir compte des besoins des familles comme des besoins des « usagers » de notre Scoutisme. Si je me réfère à une enquête récente effectuée sur plus de 6000 familles ayant un enfant en situation de handicap, 38% ressentent une absence de mode d’accueil adapté, le mercredi comme sur la période des vacances par rapport à leur activité professionnelle. Il existe donc un écart monstrueux entre attente et offre. Nous avons donc un vrai travail à faire pour retrouver notre place, alors que nous sommes parfois en concurrence avec d’autres organismes d’éducation populaire, d’autres organismes marchands.

 

Il en est de même pour les besoins des usagers. Que disent les « vacanciers adultes » sur leurs vacances ? Ils expriment le désir de ne rien faire par moment, de disposer d’un logement individuel… de vivre des vacances comme tout à chacun.

 

 

 

2- En deuxième lieu, je souhaite aborder la question des expérimentations construites lors du développement du Scoutisme d’extension, expérimentations construites en commun avec les acteurs. Dans les histoires présentées ce jour, le projet expérimental, sa force, sa pertinence dépassait les acteurs. Nous ne sommes peut-être plus assez « fous » dans notre association, plus assez aventureux. Osons l’accueil et la prise en compte des personnes en besoins spécifiques !

 

 

 

3- Plus avant encore dans ma réflexion, je note que chaque projet requiert un « collectif » important de bénévoles. Nous avons à entreprendre une action de mobilisation des bénévoles sur cette ambition Handicap. Un mouvement de 4000 bénévoles doit et peut apporter une pluralité et diversité de contribution significative. Peur du Handicap ? Absence de réponses sur ce domaine dans notre formation ? Nous sommes confrontés à une problématique autour du partage du projet social ou sociétal traduit que nous portons, à travers notre approche éducative.

 

 

 

4- Enfin, j’insiste sur le fait qu’avec la question du handicap dans le scoutisme, nous sommes en plein cœur de notre mission d’éducation. Il y a un vrai travail à faire sur le sens de notre projet. L’OMMS a d’ailleurs fait le choix d’intégrer l’engagement dans la communauté comme 8e élément de la méthode scoute. Je ressens à propos du huitième élément de la méthode, une ardente obligation pour nous, E.E.D.F. d’être mieux en capacité d’entrer en relation avec l’autre. Il est pénible de constater que d’un groupe à l’autre, il y a doute sur le style et la pratique du scoutisme de l’autre. L’enjeu est pour nous de concilier unité et diversité. Nous avons à relever le défi d’accroitre notre effort pour aller travailler vers et avec les autres, scouts ou non scouts. Je suis peiné d’observer que l’éducation spécialisée est parfois en « concurrence » avec les copains de l’éducation populaire. C’est complètement fou !

 

 

 

J’en appelle aux copains de l’éducation populaire pour trouver ensemble et dans le respect mutuel des solutions. Et notre rêve se réalisera !

 

 

 

Janik  Pikula:

 

 

En termes de recherches il a été réalisé énormément de travaux sur l’histoire des handicaps et de leurs prises en charge : évolution de la société, progrès de la médecine… Il convient de citer également les travaux sur l’inclusion et les catégories. Il nous faut cibler les questions des différences. En 1988, Wood a contribué à nous faire passer du domaine médical au domaine social. Avec comme interrogation centrale : qu’est-ce qui nous rassemble et qu’est-ce qui nous sépare ?

 

 

 

Jean-Yves Talois :

 

 

Extension, intégration, inclusion… il me semble que le mot le plus revenu dans nos échanges, c'est, en fait, le terme « adaptation ». Je crois qu’il nous faut sortir des schémas de pensée unique, accepter, voire revendiquer parfois d’être dans une  non conformité, pour être en réponses à des besoins, au service de nos valeurs : les catégories sont dangereuses si elles enferment ; cependant, s'adapter, prendre en compte des besoins  suppose de savoir de qui on parle pour que la réponse, la proposition, soit pertinente. Il faut parfois que tous, tant professionnels que bénévoles,  acceptent de retrouver le sens, celui de l’ouverture, de l’utilité sociale, qui renvoie à nos orientations nationales. Le droit aux loisirs est affirmé dans la déclaration des droits humains, ce doit être un droit commun, pour toutes et tous ; une société inclusive, ça passe par là aussi : l’exercice des droits.

 

Pour terminer, je renverrai à la fin de mon intervention de début d’après-midi, au dessin « vos différences ne nous gênent pas » ; on n’en est pas encore là aux Éclés, pas plus qu’ailleurs. Le jour où on pourra dire cette phrase à notre voisin, et la vivre, nous aurons fait un grand pas vers « une association inclusive ».

 

 

 

Yvon Bastide :

 

 

Nous nous heurtons à une difficulté que j’ai constatée depuis longtemps : « de mon temps », le Mouvement fonctionnait plus comme une fédération d’initiatives isolées que comme une association, c’est peut-être encore le cas. Lorsque j’entends dire que l’action en direction des handicapés ne concerne pas les groupes locaux (sous-entendu, ils ont autre chose à faire), j’y vois une nouvelle démonstration : le scoutisme est quelquefois auto-limitatif ! Nos groupes ne doivent pas être des petits îlots d’égoïsme, notre tâche est d’aider à répondre à des problèmes de société, comme le faisait le Pasteur Gallienne dans les premiers jours des E.D.F. avec un bon exemple d’adaptation du futur scoutisme aux jeunes de la rue de Grenelle.

 

Je voudrais ajouter une remarque : Christian Hogard a fait allusion au surcoût de certaines activités dans les « colonies », Jean-Yves a constaté que les services vacances étaient en concurrence avec d’autres fournisseurs de loisirs, Thierry a évoqué le consumérisme : il me semble que notre scoutisme peut apporter quelque chose de différent des autres car, dans ce que Thierry appelle son ADN, il y a la volonté de mettre les jeunes en position d’acteurs et non de consommateurs. Pour prendre un exemple simple, il est plus éducatif de construire ensemble un pont de singe que d’acheter les services d’un accrobranches.

 

Si les activités que nous proposons sont les mêmes que les autres, nous sommes en concurrence. Notre scoutisme garde ses spécificités, nées de l’expérience (dans les deux sens du mot), il faut peut-être penser à les exploiter. L’anecdote que nous a racontée Michel est passionnante… Certains vont peut-être penser que j’ai viré ma cuti, car j’ai été longtemps parmi ceux qui essayaient de débarrasser notre scoutisme de ses pesanteurs, mais je constate aujourd’hui qu’il faut, quelquefois, revenir à l’essentiel.

 

 

 

Henri-Pierre Debord :

 

 

Nous voici parvenus au terme de cette « table ronde » panoramique. Je retiendrai une aspiration partagée dans beaucoup de propos : cette aspiration résulte du constat que la diversité des « formes » empêche encore trop souvent de trouver un référentiel partagé avec sincérité et engagement de faire. Elle  peut, me semble-t-il, être synthétisée ainsi :

 

-   socle commun de références pour toute catégorie de public (enfants et familles faisant le choix scout et laïque, enfants et adultes en situation de handicap, et les autres dont il n’est pas utile de rappeler aujourd’hui l’existence dans le cadre de cette Journée de la mémoire) ce socle commun ayant bien entendu un lien avec la « méthode scoute »,

 

-   respect de la diversité des formes d’animation avec garantie de respect du socle commun,

 

-   meilleure diffusion entre tous de ce qui fait socle commun, la méconnaissance étant source d’incompréhensions et de fausses divergences sur le projet éducatif des E.E.D.F.

 

 

 

Cette journée s’achève. Une table ronde « passé-présent-avenir » est toujours une prise de risques. J’aime cette prise de risques. Plusieurs interventions de ce matin et de cet après midi ont démontré qu’elle fait partie du défi permanent que se lance notre Mouvement à lui-même. Sachons le relever, une fois encore.

 

 

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