2018 : Scoutisme et éducation populaire en Pologne

Jeu18Oct201807:57

2018 : Scoutisme et éducation populaire en Pologne

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… sur les traces de J. Korczak

 

 

Colette Charlet nous transmet un article qu’elle a rédigé dans le cadre du « séminaire international Korczak » qui s’est tenu à Genève en septembre 2018, et quelques illustrations des activités du camp d’été de Korczakowo.

 

Ce que le scoutisme peut apporter au système éducatif ?

 

Voilà les réflexions qui ont surgi lors d’un Séminaire International Korczak, qui s’est déroulé à la Mission Polonaise des Nations-Unies à Genève, les 29 et 30 Septembre 2018, portant sur : « Les enfants défenseurs des Droits de l’Homme » et où sont intervenus des représentants du scoutisme polonais (ZHP) et qui nous ont fait part de leur expérience, au travers de leur camp d’été annuel en hommage à Korczak, appelé « Korczakowo ».

 

 

L’éducation n’est pas qu’une affaire de bonne méthode pédagogique à l’école…

 

Il ne suffit pas de bien faire sa classe ou ses cours, mais c’est vraiment l’éducation au sens large qui devrait être la chose la plus importante. Essayer de faire comprendre aux élèves qu’il nous faut devenir différent, meilleur et plus riche intérieurement au lieu d’être mis en compétition par les notes et le classement.

 

La leçon de classe ne représente qu’un petit moment. Alors, c’est quoi le travail au sein d’un mouvement de scoutisme ? On note une méconnaissance quant à ce que cela représente. Toutes les rencontres du scoutisme demandent du temps et du travail. Nous devons tenir compte des conditions de vie des enfants pour résoudre les problèmes, surmonter les difficultés, bâtir l’avenir.

 

 

Korczak nous a ouvert les yeux

 

 

Cela n’est pas un long fleuve tranquille, il y a parfois des déceptions. Ce n’est pas une question de bonne technique/méthodologie. Mais, il nous faut comprendre ensemble ce que nous sommes amenés à construire. Alors comment atteindre les idéaux du scoutisme au travers des idées de Korczak ?

 

 

Sur quoi s’appuyer ?

 

Quelle idée se fait-on de l’éducation, comment construire des réponses à la question : Comment éduquer tout en respectant les droits de l’enfant ? Dans l’institution scolaire, on constate souvent que le fossé s’élargit entre les enseignant(e)s et les enfants et ceci pour de multiples raisons. Pour les premiers, parfois la tâche est de plus en plus lourde et pour les seconds on est en classe pour « étudier des leçons ».

On ne devrait pas être là pour domestiquer les enfants, mais pour les « apprivoiser », au sens noble du terme. Les membres du mouvement des ZHP se donne pour objectif de développer la personnalité de l’enfant, dans une approche d’activités créatives, du vivre ensemble afin de réaliser leur vie.

 

Sur quoi se concentrer ?

Quelles idées fortes et pratiques pour développer l’autonomie et le vivre ensemble ?

Avoir le temps de faire des activités sont des conditions pour transformer les comportements, d’apprendre à s’exprimer et penser par soi-même tout en écoutant l’autre qui ne pense pas forcément comme nous. Il n’est pas question d’imiter bêtement, mais simplement de chercher de l’inspiration et dans le champ de la création. On doit être prêt à modifier en fonction des besoins et intérêts des enfants.

Les « cérémonies » permettent de prendre conscience de la communauté scoute. Elles ont un sens. Accorder de l’importance aux moments où l’on est ensemble, au travers d’instances de conseils /parlement d’enfants. Cela est hérité des pratiques, idées de Korczak et que l’on met en œuvre lors des camps Korczakowo.

 

Tout cela s’articule pour construire un environnement éducatif qui soit riche

Il est important que les responsables développent la compréhension mutuelle, dans un environnement naturel. Pour y parvenir, il faut apprendre à le construire à la fois par soi-même et en tenant compte des autres ; que ce soient les lieux de rassemblement, la cantine, l’amphithéâtre pour les spectacles, les activités nature et sportives… y compris pour ceux et celles qui viennent pour la première fois. On participe selon ses moyens.

Le parlement/conseil d’enfants est une instance essentielle qui permet à tout un chacun, chacune de s’exprimer et prendre des décisions. Ce ne sont pas seulement des problèmes individuels à résoudre, mais on doit se sentir tous et toutes concerné(e)s. C’est ainsi sont élaborés : le programme, les responsabilités, les festivals, que sont élaborées les lois de fonctionnement…

Le Tribunal des Pairs où l’on est d’égal à égal pour faire en sorte que l’on ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux de l’Autre.

Le rôle du Conseil et du journal du camp permet de s’exprimer, de garder mémoire des évènements importants, de développer créativité et imaginaire, empathie pour rendre les gens meilleurs.

On encourage aussi les jeunes à créer par le biais de la littérature, du théâtre (y compris sur le lac bordant le camp), par la poésie, par la préparation de différents concerts.

 

Animation de la station radio du camp

Projection de films suivis de discussions pour déclencher la réflexion

Faire des choses que l’on ne peut pas faire à l’école. Bref, aventure intellectuelle pour se construire des pouvoirs et agir dans la société.

Dans ce cadre d’activités, toutes sortes de sujets sont abordés et permettant le débat et de connaître ce que pensent les jeunes, ce qui leur tient à cœur de défendre. On le découvre tout particulièrement dans le journal. Autre pratique particulière qui fut développée par Korczak. On utilise des cartes/souvenirs pour que l’on n’oublie pas ce que l’on a fait ou créé. Cela contribue à resserrer les liens entre les personnes.

Bien sûr, puisque nous sommes dans un camp appelé « Korczakowo », il est célébré un hommage à cet homme mort exterminé au camp de Treblinka avec plus de 190 enfants de son orphelinat, le 5 Août 1942. Une cérémonie annuelle  est organisée, où chacun, chacune réuni au tour du Cercle de l’Amitié s’exprimera de manière créative, et pour que telle barbarie ne se reproduise plus.

 

Pourquoi donner aussi de l’importance aux Festivals de musique ?

Les activités culturelles occupent la majeure partie des soirées/feux de camp comme :

Les festivals de chant, variétés avec des groupes de musiciens et musiciennes permettant à des groupes de se faire révéler auprès des jeunes.

Différents feux de camp, où l’on produit du théâtre, car, « il n’y a pas que le disco ou la métal musique qui compte », des concerts sur l’eau. Se vivent en ces lieux, à la fois les joies et les peines, des grandes et minuscules choses. Les rêves sont parfois devenus des réalités et l’on a trouvé sa place sur terre grâce aux autres.

 

Se connaître soi-même pour pouvoir agir, connaître les enfants, faire vivre la démocratie, les utopies…

Selon les idées de Korczak, en cas de conflits, problèmes, si quelqu’un fait quelque chose de mal à autrui ; il est mieux de pardonner, de créer les conditions pour devenir bon, transformer la situation, de comprendre que ces choses néfastes à la communauté peuvent évoluer et ne plus recommencer. C’est aussi une forme d’empathie.

Durant le camp d’hiver quand vient le Nouvel An, par le cercle de l’amitié, emmené par le silence et la musique, on est amenés à repenser ce qui a été fait.[ Je l’ai moi-même vécu avec un groupe de ZHP, à l’hiver 1969].

Toute cette variété d’activités qui viennent d’être décrites ouvrent de réelles perspectives de transformation et permettent de se découvrir des passions. Quand on regarde quelques années après ce que sont devenues ces personnes ayant participé à de tels projets et dans un tel état d’esprit ; il n’est pas étonnant de revoir ces personnes quelques années plus tard réaliser les rêves les plus fous, prendre des responsabilités.

 

Et pour les personnes de passage ?

Vivre un camp dénommé Korczakowo ne s’oublie pas, comme les premières rencontres que nous avons eu entre les EEDF et les ZHP, sur leurs différents lieux de camp en 1966. Ce n’était pas seulement un camp de scoutisme, il s’agit d’éducation au sens noble du terme, c’est une vision du monde exprimée par les jeunes. C’est un partage d’émotions et de cultures qui nous offre aussi de l’amitié profonde, de la fraternité et qui reste gravée jusqu’à la fin de nos jours.

Cela est d’autant plus fort pour moi, car ma mère fut native de Varsovie et qu’elle nous avait transmis les valeurs humanistes de Korczak au travers des histoires qu’elle nous contait, nous ses enfants.

En ce 30 Septembre 2018, à la Mission Polonaise des Nations Unies, sur Genève, la présentation de ces deux jeunes responsables porteurs de cette expérience de camp Korczakowo attestait que les idées de Korczak pouvaient accompagner celles du scoutisme de 2018.

C’est la preuve que les activités telles que nous les pratiquons dans nos camps de scoutisme sont des occasions de faire vivre la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

Colette Charlet

 

 

Quelques remarques et bibliographie à propos de Korczak :

 

« Le droit de l’enfant au respect » Janusz Korczak - Éditions Fabert – Ce livre fut une source d’inspiration quand fut élaborée la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en 1989. Ce livre fut écrit en 1928-29.

« Les colonies de vacances » Janusz Korczak – Éditions Fabert. Ce livre conte les expériences de camps de vacances de Korczak, alors qu’il faisait ses études de médecine en Pologne. Ce livre paru en 1909, en Pologne.

 

 

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