1948 : La branche aînée : le passage à l'acte

Lun26Avr201007:36

1948 : La branche aînée : le passage à l'acte

La branche aînée a été définie par le Fondateur comme un prolongement, vers les adolescents et post-adolescents, des méthodes et techniques de la branche Éclaireurs. Si l’on en juge d’après l’évolution et les problèmes rencontrés en cours de… Route, cette définition s’est avérée assez rapidement insuffisante et a donné lieu à des recherches, des expériences, des conflits, mais aussi à des réalisations spectaculaires : le dynamisme, la motivation, la disponibilité (et, quelquefois aussi, la prise de risques) ont permis des « exploits » donc certains sont restés dans les mémoires.

Une nécessaire réorientation

La branche aînée a été définie par le Fondateur comme un prolongement, vers les adolescents et post-adolescents, des méthodes et techniques de la branche Éclaireurs. Si l’on en juge d’après l’évolution et les problèmes rencontrés en cours de… Route, cette définition s’est avérée assez rapidement insuffisante et a donné lieu à des recherches, des expériences, des conflits, mais aussi à des réalisations spectaculaires : le dynamisme, la motivation, la disponibilité (et, quelquefois aussi, la prise de risques) ont permis des « exploits » donc certains sont restés dans les mémoires. L’orientation de la branche aînée vers des activités «techniques » ne date pas de l’après-guerre, et Étienne Peyre, Commissaire National à la Route dans les années 40, l’évoque dans ses mémoires : ces activités supposaient l’acquisition d’un véritable savoir, de réelles compétences… et d’une volonté de continuité de la part de ceux qui s’y engageaient. Elle a permis l’émergence de «chefs de clan» qui devaient combiner une nécessaire autorité avec le partage démocratique des décisions d’orientation, partage nécessaire à l’adhésion des participants de cet âge : au passage, c’est un bel exemple de démocratie vécue et non purement intellectuelle ou virtuelle.

Immédiatement après la guerre, la «branche aînée» s’est trouvée, encore plus qu’auparavant, confrontée à une nécessaire adaptation de ses objectifs, méthodes et moyens et a souvent pris des positions quelque peu divergentes de l’orientation générale du mouvement. Les nouveaux « Routiers », donc certains avaient vécu la période de la guerre dans une véritable situation d’adulte, ne pouvaient se contenter d’être considérés comme des Éclaireurs prolongés

Un certain nombre de responsables nationaux, comme Pierre Buisson ou Jacques Bador, ont accompagné cette réflexion. Quelques autres, comme Claude Deru ou René Tulpin ont créé des activités « complémentaires », sortant du cadre formel de la Route mais adressées aux mêmes tranches d’âge. Disposant, après la Libération, de nombreux «instructeurs nationaux» financés par la collectivité nationale, le Mouvement en a été rapidement privé (voir ci-après le témoignage apporté à ce sujet par Jacques Pecnard « licencié » par Pierre François).

La Route n’en a pas moins choisi la voie des « spécialisations » de clans, dont nous présentons ici quelques exemples.

En premier lieu, à partir d’extraits de la plaquette «la saga du Clan Claude Sommer» rédigée par Antonio Castro, l’histoire d’un clan parisien, de sa voiture et de ses choix successifs d’activités, en particulier vers la spéléologie et la plongée. À noter que ces activités sont à l’origine de la création d’une société mondialement connue dans le domaine de la plongée sous-marine sous toutes ses formes !

À venir, quelques documents issus des archives du «Clan Archéologique des Chênes Verts» animé à Montpellier, depuis la fin des années 30 et pendant trois décennies, par Jeanjean et qui a à son actif une grande quantité de découvertes et de traitements de gisements dans la région, jugées suffisamment intéressantes par les spécialistes et les professionnels pour avoir provoqué pendant plusieurs années des querelles et conflits d’attributions…

À venir également, à partir des souvenirs de Claude Garby, un retour sur les activités d’un autre clan spécialisé en spéléologie, auquel on doit, en particulier, l’exploration de la grotte de Clamouse dans l’Hérault, site aujourd’hui exploité commercialement et très fréquenté…

Bien entendu, il ne s’agit que de quelques exemples et nous serons heureux de publier d’autres témoignages sur cette période et les activités Route qui ont laissé leur trace dans la collection du «Routie » : vieux tacots, chants, art dramatique, canoë – kayak , etc…


1948 - 1950 : Le Routier

 

Comme l’atteste la table des matières des articles publiés en 1948, le sujets abordés sont de toutes natures et, en particulier, touchent aux grands problèmes de l’heure, qu’il s’agisse de l’Indochine dans le numéro de décembre 1948 (« entièrement payé par les Éclaireuses aînées »), de l’Afrique du Nord, du budget de la guerre, de l’économie et du social…


1948 : les prémices de la coéducation et de l'éducation sexuelle

Peu de temps après la fin de la guerre, un certain nombre d’expériences d’activités communes aux filles et aux garçons apparaissent, essentiellement dans la branche aînée. Un rapprochement de fait se traduit, par exemple, par l’édition en commun de la revue « Le Routier » par la F.F.E., section neutre, et les E.D.F. . Cette orientation «pédagogique» n’est pas le fait d’une doctrine du Mouvement, résultant d’une réflexion en commun, mais reste bien du domaine de l’expérimentation. Et elle aborde un sujet jugé difficile, celui de l’éducation sexuelle.

On en trouve une première trace dans une fiche des « Cahiers Route » datée de décembre 53 et relatant une « expérience vécue de cinq ans de coéducation », sous la plume de Adrienne Houry, chef de groupe à Tanger.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que des précautions « oratoires » sont prises dans la présentation de cet article : « Tout le monde est d’accord pour dire que le problème de l’éducation sexuelle est parmi les plus délicats que nous ayons à traiter. Très peu de responsables – même à l’échelon le plus élevé – ont le courage de rechercher franchement comment il serait possible de l’aborder dans une unité. Nous ne présentons pas ce compte-rendu d’expérience comme la doctrine du Mouvement, ou même seulement comme un exemple à suivre à l’aveuglette. Notre but, en le publiant, est plutôt de susciter d’autres comptes-rendus et, peut-être, un débat qui ferait avancer un peu la question ».

Il est important de préciser, peut-être plus particulièrement pour les « jeunes générations », que ce « problème », que l’on peut considérer aujourd’hui comme résolu, est alors tout à fait réel : aborder ce sujet, dans le contexte d’un mouvement de jeunesse, est une innovation que certains ne sont pas près d’accepter. L’information sexuelle, comme la sexualité en général, n’est pratiquement jamais abordée ouvertement ; tout ce qui touche à ce sujet – y compris des faits vécus, comme, par exemple, les règles pour les filles – fait l’objet d’un oubli volontaire que certains considèrent comme lié aux contraintes imposées par la religion. Et la clandestinité des acquis ne favorise guère une vue saine de la réalité…

Or, et l’article le montre bien, décider que les activités de la branche aînée seraient communes à des filles et des garçons oblige, tout simplement, à… aborder le sujet : « … pour beaucoup, la réponse à certaines questions est d’une nécessité souvent urgente, si l’on veut éviter une mauvaise interprétation d’esprits imaginatifs ou hypersensibles. (…) mais comment doivent se faire ces cours ? Une question se pose peut-être dans les esprits : ai-je entrepris des exposés en séparant filles et garçons ? Non ! car alors le but principal de coéducation n’aurait pas été atteint.

 

Le programme, établi sur un plan scientifique, a été le suivant :

Le même article explique que « la différenciation des sexes peut être expliquée à travers Aristophane dans « le Banquet » de Platon »… « Le dernier exposé a été fait il a deux ans, le clan a grandi. Ils sont actuellement 42, garçons et filles. La venue d’éléments des troupes exige une nouvelle série de cours. Ils seront faits de la même façon, avec le même programme, et, une fois terminés, on n’en parlera plus.»

Saluons au passage cet excellent exemple de ce qu’a été, tout au long des décennies, le choix de notre Mouvement : acceptation d’une évolution de la société, confiance dans une initiative personnelle respectueuse du cadre de nos valeurs, expérimentation créative. Il s’agit bien d’une nouvelle étape, sous une nouvelle forme, d’une action de formation des jeunes à la citoyenneté.


1951 : la saga du clan Claude Sommer :

Du clan spéléo portant le nom d'un aîné mort au combat, à la plongée sous-marine et au métier de scaphandrier, c'est une véritable "saga" qui nous est décrite par quelques-un de ses acteurs...

Vue par Antonio Castro...

« C’est à la suite d’une rencontre dans le métro, que pour moi tout a commencé. Dans le même wagon, un autre jeune portait à la boutonnière le même insigne que moi : l’arc tendu des Eclaireurs de France. Nous nous sommes présentés : Jean LAGRANGE – Antonio CASTRO, et il m’a proposé d’assister à une réunion du clan dont il était un des responsables, le clan Claude SOMMER spécialisé en explorations spéléologiques. C’était en juin 1948. À cette réunion au local Quai de l’Hôtel de Ville (bâtiments qui n’existent plus), il y avait une quinzaine de filles et garçons qui discutaient ferme et dominant de la voix et de la taille, André Galerne (Héron braillard). La discussion portait sur le bilan du camp de Pâques dans les Alpes de Haute-Provence au gouffre du Caladaïre, où ils avaient atteint la côte -556 m, record de profondeur à l’époque. Ils détenaient aussi le record de vie sous terre avec dix jours de camp au fond du premier gouffre de la grotte de Lombrives, à Ussat-les-bains dans l’Ariège.

André Galerne, personnage assez extraordinaire et forte personnalité - 1.86 m, 90 Kg à l’époque - avait fondé le Clan en 1947. Issu du Clan Lapérouse, que dirigeait Guy Urgain. Pendant l’occupation, il faisait partie d’un réseau dont une des spécialités était de faire sauter les batteries de D.C.A. installées en Forêt de Montmorency. La technique consistait, de nuit à préparer un feu, dresser un mât avec un drapeau, allumer le feu et se sauver. Les Allemands se précipitaient pour l’éteindre, croyant à un signal pour les avions, dégarnissant la batterie, les résistants en profitaient pour la mettre hors d’état. Parfois aussi à tendre un câble entre deux arbres du bord de la route, de chaque côté, au passage des motocyclistes allemands, avec le résultat que l’on imagine. Un jour d’août 44, à la suite de l’attaque d’un convoi allemand, il a été arrêté avec quatre de ses camarades, dont Claude Sommer. Après avoir été traités avec la douceur qui caractérisait les Allemands, ils ont été amenés dans un bois près de Beauchamp, le Parc Barrachin pour y être fusillés. On les a alignés sur une petite butte, le peloton en face et on leur a ordonné de se déchausser. André s’est baissé docilement, voyant là la possibilité d’exécuter son projet d’évsion et il a foncé dans les bois, suivi avec un peu moins de promptitude par les autres. Deux sont tombés sur place. André, Claude et un troisième ont réussi à échapper à la fusillade. Claude est revenu à Beauchamp pour prévenir les autres membres du réseau qu’ils avaient été dénoncés. Il a été re-dénoncé et tué sur la place du village. C’était le 24 août 44, André avait 18 ans, Claude pas encore 15. André est revenu dans Paris et a participé aux derniers combats de la libération. Vous savez donc pourquoi le Clan portait le nom de Claude Sommer.(…)

La fabrication de matériel était la principale ressource du Clan. On fabriquait essentiellement des échelles que l'on vendait à d’autres groupes spéléo. Toujours des échelles éprouvées, c’est-à-dire qu’elles avaient servi au moins une fois, ce qui fait que nous en avions toujours des neuves. On faisait aussi des mâts d’escalade, des treuils, des lampes frontales. Tout cela dans des ateliers que l’on nous prêtait la nuit, et aussi boulevard Richard Lenoir où l’on rencontrait les camarades du Clan Surcouf qui fabriquaient leurs canoës, splendides en acajou rivés cuivre. Ces fabrications servaient à financer nos activités, mais également les cotisations pour ceux ne qui pouvaient payer. On vendait aussi des échantillons minéralogiques chez Boubée où on prenait des commandes pour 50 ou 100 échantillons de poudingue de Nemours, ou Loess du plateau de Villejuif, des marbres veinés, etc. Et aussi toutes sortes de bestioles : tritons, salamandres, insectes pour bio plastique, poissons rouges dans une fameuse mare à Fontainebleau, tout était bon à vendre. Quand il y avait des élections, - on votait beaucoup en ce temps là -, on faisait les enveloppes avec les bulletins et les adresses. C’était bien rémunéré et, après les élections, on récupérait les montagnes de papier inutilisé que nous vendions également.

Il y avait aussi la fête du Clan où l’on récupérait pas mal de sous. En décembre 48, “La fête de clan” avait eu lieu sous forme de “bal de nuit”, ce n’était pas tellement dans nos cordes – mais on n’avait pas hésité, on avait loué le cabaret “Sur les toits de Paris” et l’opération avait été très fructueuse. C’est ainsi que pour faciliter nos déplacements nous avons acheté une voiture : à l’automne 48, lors d’une de nos réunions au local, quai de l’Hôtel de Ville, grande nouvelle ! André nous annonce : nous allons avoir une voiture pour le Clan. Jusqu’alors, quand on partait en camp, il fallait louer une charrette à bras, et mettre notre matériel, échelles, cordes… en bagages accompagnés. Prendre le train jusqu’à Toulouse, puis tortillard jusqu’à Ussat-les-Bains et nos chères grottes, Lombrives Niaux, l’Hermite, etc.

La voiture en question était une conduite intérieure, 6 places plus deux strapontins. Sortie d’usine en 1923 – Peugeot 183C, “C” pour coloniale – 16CV, 6 cylindres, ordre d’allumage 153624 – particularités 12 litres d’huile dans le carter et 26 litres d’eau. Embrayage à gauche mais accélérateur au milieu et frein à droite ! Donc inversés par rapport à la norme actuelle. Quatre vitesses (rare pour l’époque). Le carburateur, d’une simplicité schématique, n’avait ni starter, ni volet d’air. Pour démarrer par temps un peu frais il fallait faire une opération rusée. Boucher partiellement avec la main l’arrivée d’air ; trop on noyait le moteur, pas assez pas de démarrage. Cette opération tout en finesse se disait, parmi les initiés : “Y mettre la main au bock”. Le projet était d’en faire une camionnette. Le remarquable résultat de la transformation - que nous avons effectuée en totalité - a été réceptionné aux Mines. André avait le permis “Transport en commun”. Le nom “Angoisse” avait été proposé mais plus familièrement on l’appelait “Cocotte”. Cocotte nous permettait de diversifier les week-end et ne plus se cantonner, en descendant du train à Bois-le-Roi, au seul Cuvier Chatillon, la D.J., le bivouac de la caverne aux brigands… devenaient plus accessibles.

En crapahutant on avait réussi à percer le réservoir, mais le savant dispositif dont “Cocotte” était munie pour l’alimentation en essence ; un “exhausteur” (petit réservoir sous le capot créant une dépression qui amenait l’essence du réservoir) permettait de puiser l’essence directement dans le Jerrican de réserve fixé sur le marchepied droit. Ce dispositif a ainsi continué à alimenter le carburateur jusqu’au bout de sa vie. Ce système d’alimentation nous avait permis, bien plus tard, de faire une bonne blague de plus. Près d’une station service, on a arrêté la voiture, et on est arrivé jusqu’au distributeur en la poussant comme si elle était en panne. – Combien d’essence voulez-vous ? – Oh ! non, M’sieur, il nous faut juste un seau d’eau. Seau versé dans le réservoir dont la fuite avait été sommairement bouchée. Coup de démarreur et voilà “Cocotte” repartie. Il aurait fallu pouvoir filmer la tête du pompiste et des gens présents.

Dans sa toute première version on n’avait pas prévu de toiture pour la benne et c’était vraiment du plein vent, aussi nous l’avons munie d’arceaux, recouverts d’une bâche, vu de derrière ça faisait un peu chariot de la conquête de l’Ouest.

A Pâques 49, nous avons entrepris notre premier grand voyage – Ussat-les-Bains, nationale 20 tout droit, sortie porte d’Orléans, l’Ariège tout au bout. La Loire traversée, tout allait bien jusqu’à Vatan nom prédestiné, dans un cahot la caisse a pris un air penché à droite, on avait tout de même fait 250 km. Diagnostic : l’extrémité de la lame maîtresse du ressort arrière droit, roulée autour de son axe de fixation, s’était déroulée. Nous avons avancé jusqu’à un garage, expliqué nos malheurs mais il était midi et le garagiste nous dit : – Restez là, je monte chez moi et redescends à deux heures. – Est-ce que pour nous avancer un peu, je lui demande – je peux peut-être commencer à démonter ? – Oh ! Si vous voulez. Combinaison, caisse à outils, cric, dépose de la roue, dépose du ressort, que j’amène à l’atelier, le mets dans l’étau, démonte “l’étoquiau” (goujon traversant les lames du ressort et les solidarisant) et libère la lame maîtresse. Tourne un peu en rond, et trouve une griffe de forgeron, j’essaye de re-rouler le bout de ma lame déroulée et ça vient, et par petites touches, je reforme le bout de la lame. A ce stade, hésitation. Si je remonte comme ça, au prochain cahot ça recommence. Dans un coin, je vois un poste à soudure à arc. Sitôt vu, sitôt fait, un petit cordon de soudure, replace la bague en bronze à la presse, petite déformation – l’axe ne passe pas – un coup d’alésoir et tout passe. Je remonte les autres lames, l’étoquiau et remonte sur la voiture. Avant de replacer la roue, j’entends le garagiste derrière moi. – Je croyais que vous deviez démonter, me dit-il rigolard. – C’est ce que j’ai fait Monsieur, et là je remonte, voyez ce que j’ai fait. – Mais vous êtes mécanicien ? – Oui, dentiste ! (à l’époque, j’étais prothésiste dentaire) vous nous direz ce qu’on vous doit pour l’utilisation de l’atelier ! – Rien du tout, sauvez-vous, vous m’avez soufflé !

Le week-end de Pentecôte de cette même année 49 nous avons gagné les “Olympiades de la Route Parisienne” qui cette année là se faisaient sous forme de course de relais. Le tour de Paris par les boulevards des Maréchaux. Départ porte Dauphine, retour même porte, les Clans pouvaient tourner dans le sens qu’ils voulaient. Bien entendu les Clans motorisés étaient avantagés et avec notre « Angoisse »nous pouvions relayer souvent. J’ai fait le dernier relais et n’avons gagné que d’une cinquantaine de mètres par rapport au premier des Clans qui avait tourné dans l’autre sens. Nous nous étions croisés vers la porte de Vincennes. Nous savions que nous étions en tête des Clans qui tournaient dans notre sens, mais on ne savait pas où en étaient les autres.

Dans le cadre de ces rencontres régionales ou nationales “Rallye des vieux Tacots”, Olympiades, etc., le clan aidait en tenant un stand à “la vente Extension” vente au profit de la branche extension de l’association. Y était vendu, tout ce qui avait été collecté pendant l’année dans ce but. Les fonds ainsi réunis servaient à contribuer à l’animation de cette branche, prenant en charge les gamins handicapés, sourds, aveugles, paralysés, pratiquant un scoutisme adapté.

Début août 49, nous sommes partis gaillardement pour le camp d’été au Caladaïre. Le premier soir, nous avons bivouaqué dans une ancienne carrière vers Arcy-sur-Cure, non sans avoir eu en cours de route à resserrer les boulons de fixation d’un nouveau pont bricolé. Il fallait bien qu’il prenne sa place. Le deuxième soir après avoir visité Pérouges, nous avons campé à Meximieux au nord de Lyon. Le troisième soir on arrivait en Avignon, où nous avons couché au local Éclaireurs de France. Le lendemain, nous étions à pied d’œuvre au Caladaïre. André avait eu une idée lumineuse, pourquoi ne pas utiliser “Cocotte” en remplacement du treuil à main de surface pour le premier gouffre de 60 mètres en enroulant le câble sur une roue arrière de la voiture (la montée sur la 1ère, la descente sur la marche arrière). Nous avons amené la voiture au plus près du gouffre, une trentaine de mètres, mise sur cales et remplacé la roue arrière gauche par une jante modifiée pour enrouler le câble. Au-dessus du trou, j’ai monté une chèvre avec trois troncs d’arbre, une poulie sur roulement à billes, réglée avec un fil à plomb bien au-dessus de l’entrée du gouffre, mis en place le câble, la bricole de parachute, téléphone entre l’entrée du gouffre et la cabine de “Cocotte”.

Téléphone du fond réclamant un tronc d’arbre pour caler le treuil des 90 mètres. Discussion, bon je descends voir. Je pendule au-dessus du trou et je me réveille 19 heures après le lendemain à l’hôpital d’Avignon pour 140 jours dans le plâtre (du 4 août au 23 décembre). Il avait fallu remettre “Cocotte” sur ses roues, réinstaller le treuil à main, me sortir du trou et m’amener à l’hôpital à cent kilomètres. L’accident a eu lieu vers les quatre heures de l’après-midi et on n’est arrivé qu’à onze heures du soir à l’hôpital d’Avignon. Malgré la longueur de ce séjour, je n’en ai pas gardé un trop mauvais souvenir. Les jeunes du “Clan France” d’Avignon que je ne connaissais pas avant, ont organisé un roulement, et je n’ai pas eu un seul jour sans visite. Dans l’hôpital, il y avait une école d’infirmières, plusieurs étaient ou avaient été Guides ou Éclaireuses, et parfois, le soir, venaient s’installer autour de mon lit et, tout en roulant des bandes ou faisant des boules de coton, nous chantions des « classiques » du scoutisme.

En août 50, retour à Ussat-les-Bains, voyage cette fois là sans problème. C’est à cette occasion que nous avons tourné « Explorateur des ténèbres ». On voit “Cocotte” tout au début du film. Début 51 Cocotte, toujours en forme et maintenant carrossée, nous emmenait fidèlement pour les week-ends. On l’avait peinte couleur sable, ce qui faisait un peu Africa Korps, aussi pour l’égayer et la personnaliser, je lui ai peint des symboles évoquant nos activités.

À Pentecôte 51, nous avons participé à Tours au « Rallye des Vieux Tacots », rassemblement national de tous les Clans motorisés, dans le cadre de la Foire commerciale de Tours. Le défilé de toutes les voitures avenue de Grammont fut sensationnel – une bonne vingtaine au milieu desquelles Cocotte faisait presque voiture moderne. Certaines étaient de vraies pièces de collection, dignes d’un musée. Je me souviens en particulier de la berline du Clan de Béziers, phares à acétylène et intérieur capitonné en velours beige rosé avec des petits vases sur les montants pour mettre des fleurs ! Nous avons fait une démonstration de montée aux échelles spéléo et descentes en rappel sur la façade de l’Hôtel de Ville et projeté le soir sur grand écran notre “Explorateur des Ténèbres”.

A cette époque 51-52, le Clan s’orientait davantage vers la plongée et nous étions implantés à Banyuls au laboratoire Arago de biologie marine où le directeur, le professeur Petit, nous réservait un excellent accueil. Quelques autres chantiers de ce qui allait devenir S.G.T.M.F – SOGETRAM, ont été faits avec Cocotte : une fameuse montée à l'étang du Lanoux, où l'on devait donner à boire au radiateur en permanence. Mais un jour, du côté de Clermont-Ferrand, une des six bielles, lasse de tourner toujours dans le même sens, a voulu choisir la liberté et a tenté une évasion passant à travers le carter. Ce fut la fin. Elle a été laissée dans une casse cimetière de voitures. Elle fut remplacée par un vieux car qui avait fait la ligne Privas-Aubenas et fut appelé « Totor” » Il transporta encore le clan pendant quelque temps, mais il n'y eut jamais l'attachement affectif que l'on avait pu avoir pour notre « Cocotte »…

Pour nos réunions et rencontres, nous avons eu plusieurs locaux, dans des immeubles en sursis. Tous ces locaux avaient l’avantage d’être à loyer très faible ou nul, mais c’était dans tous les cas provisoire. Et enfin ce fut la « Péniche ». C’était un ancien ponton grue en béton. Il avait fallu le dégager de là où il se trouvait – Port de Bonneuil/Marne – vider une partie du sable qui le lestait, et flottant le faire remorquer jusqu’au quai de la Rapée – opération onéreuse… Le ponton devenu « la Péniche » a été amarré au pied du pont de Bercy, face au 2, quai de la Rapée. La transformation a commencé – finir de la vider de son sable et y il en avait du sable ! Mais enfin, on était chez nous. L’ensemble se présentait comme un grand rectangle, terminé par deux triangles aplatis sur les deux plus petits côtés, l’avant et l’arrière. Une descente par un escalier assez raide, en bas un grand volume avec quelques cloisons et un fond alvéolé – parqueter l’ensemble – ouvrir quelques petites fenêtres – installation électrique – chauffage, toilettes, quelques lits à étages dans la partie arrière, cuisine à l’avant – téléphone Dorian 20 40, tout çà représentant bien des heures de travail !

Par la suite, mais là j’anticipe, sera montée une construction en bois tropical qui agrandira sérieusement le volume habitable où seront installés les futurs bureaux de SOGETRAM. Avec les chutes de bois de la construction, j’ai fait la niche vaste et confortable et dans le style, pour nos deux chiens boxer : Cappy et Diana. Paul MILON leur y avait installé un petit radiateur. Cappy et Diana étaient souvent dans la journée sur le quai, où Cappy fort comme un Turc, jouait avec les gros pavés de grès qu’il arrivait à faire rouler et sur lesquels il s’usait les dents. Au cours de nos réunions, rencontres, soirées ou veillées de camp, on évoquait souvent l’avenir. La plupart d’entre nous, étudiants, apprentis ou déjà travailleurs , avions notre propre projet professionnel. L’éventail était vaste : médecin, dentiste, agronome, électriciens, plombiers, carrossier, menuisier, ingénieur chimiste, ingénieur topographe, prothésiste, technicien radio, secrétaires, commerçant, taxidermiste. Certains étaient satisfaits de leur activité professionnelle, d’autres moins. La question était : que pourrions-nous faire ensemble pour gagner notre vie, de préférence dans quelque chose qui sorte de l’ordinaire ? Le plus acharné était André Galerne. Il travaillait avec sa mère dans le commerce « Au Goût Nouveau, abat-jours et luminaires ». Comment voulez-vous qu’un homme avec l’énergie, l’esprit d’initiative et d’entreprise et ayant vécu ce qu’il avait vécu quelques années avant pendant la guerre et s’en étant sorti, se sente à l’aise et dans son élément, au milieu de la soie des abat-jours !

Dans les domaines qui nous étaient chers, il y avait eu quelques projets. Propositions par Henri Lothe pour faire des relevés de peintures rupestres dans le Tassili. Par Paul -Émile Victor pour les expéditions polaires… Mais c’était pour un petit effectif et limité dans le temps. On a pensé à un moment, se lancer dans la pêche aux requins : aventureux et rémunérateur, le requin étant une source de produits rares.

De nos activités, nous publiions des comptes-rendus dans des revues spécialisées ou publications locales, c’est ainsi que nous avions eu quelques commandes payées. Pour la direction des Grottes de Betharam nous avions fait quelques travaux en vue de prolonger le circuit de visite. Pour E.D.F. des recherches de pertes de rivières souterraines et puis, toujours pour E.D.F., en 51, une intervention importante au Lac d’Issarlès. Il s’agissait de déterminer sur la paroi du lac de cratère, le point de sortie de la galerie souterraine. E.D.F. n’avait trouvé que notre groupe sachant plonger et ayant des compétences pour déterminer la nature et la qualité des roches de la paroi du lac.

Ces travaux faisaient partie de l’ensemble hydroélectrique qui amène les eaux de la Loire, captées au barrage de La Palice, et celles du Gage au lac d’Issartes qui sert de régulateur et par une galerie souterraine (celle dont on devait déterminer l’entrée) traversant la ligne de partage des eaux descendre dans la vallée de l’Ardèche par une conduite forcée de 600 m de hauteur et turbiner à l’usine de Montpezat.

Ce premier vrai chantier, réussi à la satisfaction du client, fût suivi d’un autre à l’étang du Lanoux dans les Pyrénées, puis de bien d’autres. Enfin, le projet se concrétisait et donnait naissance à la Société Générale de Travaux Maritimes et Fluviaux S.G.T.M.F. sous forme de Scop (Société Coopérative Ouvrière de Production) avec sept membres fondateurs : André Galerne, Paul et Lucien Milon, Claude Labeye, Jean Lagrance, Jean Herson, Antonio CASTRO – seuls les quatre premiers impliqués directement, les trois derniers, pris par leur profession, cautionnant l’affaire, mais sans être engagés dans une participation active. Dans ces débuts, on citait la société par « S.G.T.M.F. » mais cette énumération de lettres n’était pas particulièrement harmonieuse. Je me souviens du jour où André est arrivé tout content ; cà y est, j’ai trouvé un nom qui sonne bien, qui claque ! SOGETRAM ! Enfin, le pas était franchi – Sogetram était née.

Sogetram réalisera par la plongée autonome, des interventions exceptionnelles pour « Électricité de France », les Ponts et Chaussées, le laboratoire central d'Hydraulique de France, « Énergie des Mers »… en France et à l'étranger. Elle sera la première entreprise mondiale dans le domaine de la plongée autonome professionnelle. Mais ceci est une toute autre histoire. »

André Galerne notre « Père Fondateur » vu par Georges Koskas

Il est né le 1er octobre 1926 à Paris. Il fait « Mat Sup » (Maternelle Supérieure) comme les copains mais poursuit ses études (sans les rattraper pour cause de 2ème Guerre Mondiale) à  l’École Technique d’Aéronautique et de construction Automobile. C’est un gaillard d’un peu moins de 1,90 mètre à qui les  tickets de rationnement ont permis d’avoir une « taille de guêpe » qu’il a perdu depuis fort longtemps…

L’année 1943 sera le tournant de sa vie.

Il découvre la plongée sous-marine grâce à un essai du scaphandre Le Prieur dans la piscine des Tourelles. Il rejoint la Croix Rouge comme Chef de Secteur (République-Voltaire) et porte secours notamment aux 27 victimes de l’explosion d’une batterie de DCA allemande. Sous cette « couverture » il rejoint la Résistance pour  faire du renseignement (surveillance du QG des Miliciens, repérer les régiments allemands de passage à Paris, etc) Un jour, en regagnant l’appartement sa mère, il est abordé dans l’escalier  par un inspecteur de police, Monsieur Voisin, qui lui dit : « tu joues au con, ta photo est affichée au 36 quai des Orfèvres alors va-te « mettre au vert » et vite fait … »

Il ne se le fait pas dire deux fois et quitte Paris pour aller chez sa grand-mère à Beauchamp dans l’Oise (aujourd’hui Val d’Oise) Là il retrouve ses copains d’enfance qui font de la Résistance. Appel du Destin ? Ils se sont connus à l’école Paul Bert, nom du premier savant au 19è siècle qui mis en lumière les effets de la pression sur le corps humain permettant la réalisation des tables de décompression pour les scaphandriers !

Une de leurs spécialités était de faire sauter les batteries de DCA installées en forêt de Montmorency  à proximité de Beauchamp.

Un jour d’août 1944 il est arrêté avec quatre de ses camarades dont Claude Sommer.

Après avoir été traités avec la « douceur » qui caractérisait les Allemands, ils ont été amenés dans un bois pour y être fusillés. André avait dit à ses camarades, pendant le trajet, qu’il allait tenter de se « tirer. Tout en n’y croyant pas tellement comme il me l’a raconté, mais plutôt pour s’occuper l’esprit. On les a alignés sur une petite butte, les Allemands face à eux, et on leur a ordonné de se déchausser. André s’est baissé docilement et, voyant là la possibilité d’exécuter son projet, a foncé dans les bois suivis avec un peu moins de promptitude par les autres. Deux sont tombés sur place. André, Claude Sommer et un autre dont je ne souviens plus du nom ont réussi à échapper à la fusillade. André a réussi à se cacher dans le grenier de l’école où il est resté une journée. Il avait tout de même eu des ongles arrachés, la crâne fêlé et une balle dans la fesse.

Claude Sommer est revenu à Beauchamp pour prévenir les autres membres du Réseau qu’ils avaient été dénoncés. Il a été re-dénoncé (on n’a jamais pu savoir par qui) et abattu sur la place du village. C’était le 24 août 1944, ils avaient 18 ans.

André est revenu à Paris, a participé aux derniers combats de la Libération et en particulier à la chasse aux Miliciens embusqués au Père Lachaise. Il retrouve alors Monsieur Voisin qui l’embauche dans la Police et il poursuit pendant quelques temps les gangsters qui s’en prennent aux détenteurs de « lessiveuses » endroit où était « stocké »  l’argent du Marché Noir.

Il s’engage ensuite dans l’armée « pour la durée de la guerre » et du fait de ses études, se retrouve dans l’aviation. Mais comme il n’a pas la possibilité de devenir pilote, il redevient civil en 1945.

Il découvre alors le scoutisme avec les Eclaireurs de France (laïque) au Clan (qui regroupe les jeunes à parti de 16 ans) Lapérouse dont la spécialité était le kayak. Il avoue que cette rencontre a modifié le cours de sa vie car il était sur le point de « faire de grosses bêtises »

En 1946 il crée son propre Clan à qui il donne le nom de Claude Sommer son copain assassiné par les Allemands. Il choisit comme spécialité la spéléologie qui l’amènera après bien des aventures avec sa bande de chenapans (voir ci-après) à prendre sa retraite en Arizona !

J’ai croisé sa route (sans le savoir à l’époque) à la fin des années 40 dans la salle des Pas Perdus de la Gare Saint Lazare à Paris. Avec ma Troupe d’Eclaireurs de France, j’avais 13 ans, nous avions été « conviés » par les instances dirigeantes du Mouvement à manifester pour l’obtention de la SNCF  d’une réduction  de 50 % sur  les tarifs de transports. Ce fut ma première « manif » ! J’en garde un souvenir ému car elle a vite dégénérée… Devant l’affluence record, la Police est intervenue pour mettre de « l’ordre» Et là ils sont tombés, notamment, sur la bande à Galerne qui avait les moyens de se faire « entendre». Ce ne fut pas le « Marché de Brive la Gaillarde » cher à Georges Brassens, mais Galerne et ses copains avaient réussi quand même à enfermer un pandore dans une cabine téléphonique qui a sonné « occupé » pendant longtemps …

Dès 1951 il prend contact avec le commandant Cousteau, alors totalement inconnu des non initiés. Il se présente en tant que « journaliste » du Routier (journal des Eclaireurs de France) Il a besoin de photos sous marines pour illustrer un article du Clan Claude Sommer sur la plongée. Très vite des liens d’amitiés se nouent et début 1952, il embarque à bord de la Calypso pour l’exploration de l’épave du Grand Congloué au large de Marseille. Il reste ainsi plusieurs semaines à bord. En 1956, Cousteau lui propose de participer à l’expédition en Mer Rouge d’où il ramènera le film « Le Monde Du silence » Palme d’Or à Cannes. Très absorbé par le développement de la SOGETRAM, Galerne décline l’offre.

Son amitié avec Cousteau se poursuivra longtemps puisque  celui-ci restera Administrateur  de la société américaine d’André Galerne pendant des décennies.

André a un aplomb et un « bagout » extraordinaire. Je le revois encore en train de « baratiner » ma pauvre mère que j’avais entraîné à son « travail » C’était en 1953 et j’avais décidé d’abandonner mes études pour devenir scaphandrier. J’avais compris que seul Galerne pouvait la convaincre de me laisser faire. Il « travaillait » à l’époque dans l’atelier de sa mère où il s’occupait d’abat-jours !! Il était vêtu d’une blouse grise qui le boudinait un peu et il peignait délicatement ( !) les supports métalliques d’une couche de peinture noire. A cette époque la SGTMF était une entreprise « virtuelle » mais André a été si convainquant dans sa description de l’avenir de cette société que ma mère, subjuguée (ce qui n’était pas facile) m’a laissé faire. Heureusement, avant sa disparition en 1958, elle avait pu constater que Galerne n’avait pas trop menti. En effet grâce à mon emploi j’avais pu lui acheter dès 1956, alors qu’elle était déjà très malade, un des premiers postes de télévision. Déjà, pour ça, merci André !

...  et "la" péniche en 53 et 54, racontée par Gérard Loridon

 

André Galerne décide un beau jour qu’il va falloir concrétiser nos ambitions par l’installation d’un siège social avec bureaux, ateliers, magasins, et même  logements.

Comme toujours, cela durera longtemps et même encore aujourd’hui, son esprit novateur trouvera une solution. Il va acheter une péniche en béton, en fait un ponton grue désaffectée, oublié sur les quais à Créteil.

C’est ainsi que nous avons eu le droit de passer plusieurs week-ends à vider le sable et les gravats qui servaient de lest  dans la cale. A la suite de quoi, notre péniche s’est mise à flotter, heureusement pour la suite des évènements.

L’achat réalisé et le ponton déchargé de son sable, GALERNE remonte donc la Seine avec une équipe de gaillards solides, sur une chaloupe métallique, dont le déplacement est assuré par un moteur de 40 CV Motogodille. Que je dise deux mots de cet engin, le Motogodille. C’est un genre de moteur hors bord, mais dont l’hélice est fixée au bout de l’axe principal du moteur, se prolongeant, et cela est important pour ce qui va suivre, sur une longueur de 2/3 mètres. Il est possible actuellement de voir sur nos écrans de télé, ce type d’engin utilisé sur les canaux d’une ville du sud est asiatique. L’ensemble moteur/axe/hélice est fixé sur un pivot, et s’oriente à la demande. Sur un 40 CV, il faut être musclé !

Parodiant Victor Hugo

« Ah ! Combien de marins ? / Combien de capitaines ? / Qui sont partis joyeux sur la Marne et la Seine… »

Ils arrivent donc à Créteil prennent en remorque la péniche, qui dépasse largement la taille, l’encombrement, et le poids d’un canoë.

Le tout sous les ordres de Galerne dont les ancêtres marins bretons viennent de refaire surface, dans cette délicate opération maritime et fluviale. Il n’y a pas de vent, peu de courant, heureusement, car le préposé de la première écluse à franchir regarde, l’arrivée zigzagante de cet étrange convoi.

Galerne, en vrai capitaine cap-hornier donne des ordres incisifs «. Paré à bâbord…envoie l’amarre tribord… » Évidemment l’équipage parisien n’assimile pas rapidement ces termes issus de la marine à voile et la manœuvre s’en ressent.

Inutile de dire que l’éclusier, habitué aux mouvements habiles des péniches et autres remorqueurs s’inquiète de plus en plus devant un problème qu’il n’a pas l’habitude de gérer. Aussi, il décide de sauver son écluse d’une catastrophe de plus en plus programmée, en en interdisant l’accès à nos futurs locaux.

Comment Galerne va-t-il réagir ?

On ne pratique pas le « coup du polonais » à chaque obstruction humaine, toute réflexion faite devant les arguments du gardien de l’ouvrage fluvial qui lui signale que pour avoir accès à l’écluse, il est nécessaire d’avoir un remorqueur, et pas une chaloupe de scouts marins, bien intentionnés, mais néanmoins peu expérimentés.

A ce moment arrive un remorqueur de la Société Morillon Corvol qui s’apprête à rentrer dans la bassinée descendante.

Galerne le hèle, monte à bord, et réussit à le convaincre, puisqu’il descend la Seine, à prendre notre Péniche en remorque…au fond qu’il descende à vide où avec notre ponton, quelle différence n’est-ce pas… Je n’ai jamais connu les termes exacts de cette tractation, ne faisant pas partie de cette joyeuse équipe.

J’avais effectivement, à l’époque un emploi de menuisier, dans une usine de fabrication de meubles dite « Chez Popaul »

Cette arrivée de la Péniche, à du se passer un samedi car à 13 heures j’étais avec les autres membres du Clan sur le quai de la Rapée juste à l’aval du pont … là où se trouvent actuellement les piliers du Ministère des Finances. Quelle tristesse ! On ne respecte plus rien dans ce pays, mettre cette administration redoutable là où nous allions vivre, et pour certains longtemps, une extraordinaire aventure.

Nous avons amarré notre ponton, et l’avons investi. Il était, comme je l’ai dit plus haut, en béton. Il avait même du connaître la notoriété d’un naufrage précédent présentant la trace d’un renflouage sous la forme d’un massif de béton armé imposant sur l’un de ses flancs. Cela n’était pas pour nous inquiéter, c’était épais et massif, donc c’était solide…et puis Galerne l’affirmait, alors…

L’ensemble était brut de construction, et il nous a fallu tout d’abord couper au chalumeau les tiges filetées de fort diamètre qui formait un cercle sur le pont, servant sans doute à l’origine à la fixation de la grue.

Et puis j’étais « LE » menuisier ! Alors, il m’a été confié, la mise en place des planchers, des portes, hublots carrés, et autres cloisons, car rien n’existait. Comme il fallait que l’on soit plusieurs, Galerne nous a embauchés, hors salaire (mot interdit puisque nous travaillons pour nous même) et nous a offert le gîte…pour le couvert nous allons voir plus loin

Faisant quand même partie des Eclaireurs de France, nous avons été orientés vers le Château des Vives Eaux, du côté de Melun. Pourquoi ? Pour le bois destiné aux menuiseries bien sur !

Je m’explique, ce château appartenait à une grande dame, Madame Anita LOPEZ siégeant au comité directeur des Eclaireurs de France. Bienfaitrice hors norme, elle était heureuse de mettre ses biens et ses moyens à la disposition de notre mouvement. Elle était donc pleinement d’accord pour aider le Clan Claude Sommer, en nous fournissant l’accès à des ateliers de menuiserie avec machines outils parfaitement équipées et surtout au stock de bois attenant.

Sans moyens de locomotion, j’attendais le vendredi soir pour partir, sac au dos, juché sur l’arrière de la Motobécane 125 cm3 de mon ami Jean LAGRANGE dit Toubib (il était étudiant en médecine et l’un des fondateurs de la SGTMF) pour rejoindre par tous les temps, les Vives Eaux.

Là, nous choisissions des plateaux de bois, qui une fois sciés, taillés, et rabotés allaient rejoindre un stock de plus en plus important, dans un hangar attenant.

Et c’était du solide, car Toubib, toujours dans l’esprit du Clan, pensait que plus c’était épais…(voir plus haut..)

Si je tournais le dos à la raboteuse, ne serait-ce qu’un instant il passait derrière moi, donnait deux tours de manivelle pour augmenter la cote..

Il a bien fallu, un jour transporter tout cela à la Péniche, à bord d’un véhicule dont les lames de ressort accusaient un accent circonflexe prononcé.

Arrivé à bord, tout ce bois à été transformé pour rendre, un tant soit peu habitable, notre ponton.

Nous avons, aussi construit 4 châlits dans le poste avant pour nous autres permanents. Au milieu trônait un poêle Godin, dont le tuyau sortait par une bitte d’amarrage creuse…les jours de froids et de grand vent, il était possible d’imaginer que notre bâtiment fumant allait appareiller….

Et nous avons vécu là, un an et demi pour mon compte, pour d’autres un peu plus et pour certains un peu moins. Cette vie de bateliers immobiles, totalement démunis ne pouvait pas convenir à tous.

Il est évident que les jeunes célibataires que nous étions s’accommodaient plus facilement de cette existence qui préfigurait pour nous des aventures subaquatiques qui meublaient nos rêves et nos conversations

Comme je le disais plus haut nous avions le gîte, en fait un toit en béton, des châlits et une source de chaleur.

Restait à trouver la nourriture nécessaire à nos corps d’adolescents perpétuellement insatiables.

Nous n’avions peu où pas de chantiers de travaux, les scaphandriers lourds tenant la place et le haut du pavé avec leur habit et surtout leur casque de cuivre. Devant les chefs de grands entreprises et les administrations concernées par nos possibilités, la réponse était d’un dédain sous jacent, quand ils voyaient nos vêtements caoutchouc mousse, nos bouteilles et autres paires de palmes, leurs réponses étaient dilatoires «nous avons nos scaphandriers (narquois) des lourds, avec le casque…oui, évidemment, vous pouvez intervenir rapidement avec ce matériel léger…bon, si nous avons une urgence, nous ferons appel à vos services

Galerne se démenait comme un beau diable, citant Cousteau, la Calypso et même le Bathyscaphe, tentant de leur faire comprendre que l’on pouvait faire autant et même mieux que les ancêtres, ces scaphandriers à casque, dont nous envisagions sarcastiquement la présence prochaine dans un musée.

Et cela a duré environ un à deux ans. Quoique puisse en dire mon ami Roger Arméla, qui sera le grand modernisateur de la SOGETRAM, nous étions une entreprise de travaux ou plutôt d’interventions en scaphandre essentiellement autonome.

La recherche d’un hors bord perdu dans la Seine, où le nettoyage, en pleine nuit d’une crépine d’usine à gaz n’emplissait pas les caisses de notre Communauté. Et nous avions faim !  Aussi quand les sacs de pommes de terre, de riz, de pâtes et de haricots tiraient sur leur fin, il fallait vivre d’expédients…. Et la gente féline sauvage et abondante sur le quai de la Rapée, eu bien souvent à en pâtir.

Galerne quand même inquiet se livrait lui à un habile détournement de rosbif, poulet froid, blanquette et autres plats consistants, séjournant dans le frigo de sa mère. Nourriture terrestre auxquelles il adjoignait un gros pain, un litre de rouge et un camembert pris chez lui dans les provisions de sa femme Jeanine, membre elle aussi du Clan Sommer.

Quand nous le voyons arriver, la mine réjouie avec un panier imposant nous savions que le repas de midi serait byzance. Le civet du lapin miaulant, qui venait de tomber d’un toit, attendrait donc le lendemain, il n’en serait que plus tendre, il en avait besoin..

Quelle furent nos autres occupations, nos travaux, nos distractions…

Pour les travaux, comme je l’ai relaté plus haut, nous avions tout l’agencement à mettre en place, ce qui requérait la majeure partie de notre temps soit 35 heures X 2.

Nous nous entraînions aussi, quand il était possible d’avoir une ou deux bouteilles d’air gonflées, nous faisions la découvertes des fonds vaseux avoisinants notre habitation flottante. Ce qui nous avait permis de constater qu’il y avait peu d’espace entre le fond et le dessous de la Péniche, nous garantissant une certaine sécurité, au cas ou une voie d’eau se déclarerait. Nous ne serions pas enfoncés beaucoup.

Mais ainsi que je le souligne, nous étions pauvres en matériel.

Comme cela nous était nécessaire, pour une réponse éventuelle à quelques cas d’urgence hypothétiques, nous nous devions de posséder des jeux de bouteilles avec leurs détendeurs. Pour les vêtements nous avions sacrifié nos dernières économies pour acquérir des tenues en caoutchouc mousse, le néoprène actuel ne devant apparaître que 4/5 ans plus tard

Aussi nous nous étions équipés avec des « Tarzan »s fabriqués à Marseille par Georges Beuchat, c’était ce que l’on faisait de mieux en ces années pionnières.

Les scaphandres, Galerne se les étaient fait allouer par la Spirotechnique. Il avait tout d’abord réussit à se les faire prêter, pour une ou deux séances d’entraînement, disait-il. Il y avait fait adjoindre quelques menus autres équipements tels que deux vêtements « volume constant », un narguilé, des détendeurs de rechange…cétéra, et bien sur la Spirotechnique n’était pas prête de revoir ce matériel. Aussi ses dirigeants comprirent qu’il ne fallait pas prendre Galerne trop brutalement, que d’autre part ils croyaient fermement aux avancées de cette profession, et aux bénéfices substantiels qu’ils en tireraient. Ils ont eu raison, sauf sur le facteur temps. Alors ils nous ont proposés, pour rembourser une partie de la dette, de participer à la fabrication de tubas.

Et c’est ainsi que Galerne est arrivé, un beau matin, à la péniche, avec un rouleau de tube polyéthylène noir, des embouts et les célèbres balles de ping-pong dans leur cage de caoutchouc, et la péniche est devenue un atelier fumant digne des pages de Germinal.

Tout d’abord, il fallait trouver la méthode pour obtenir des tubas en partant de cette couronne de tube plastique.

Nous n’avons, bien sûr, pas été arrêté longtemps et le lendemain nous débitions, stakhanovistes de la pénétration subaquatique, nos 100 tubas/jour. L’un d’entre nous utilisant le couteau à découper le gigot du dimanche raflé chez sa mère par André, en faisait chauffer la lame sur le gaz et avec en coupait des longueurs de tubes pré- dimensionnées. Ces tronçons étaient plongés dans des bassines d’eau continuellement bouillantes après que l’on eu introduit un ressort du diamètre intérieur à chaque extrémité. Quand le tube était suffisamment ramolli, il était sorti de l’eau et courbé en col de cygne gracieux, la courbe étant maintenue par un élastique découpé dans une chambre a air de moto, et le tout plongé directement, à son tour  dans l’eau froide.

Ceci une fois pour chaque extrémité de tube, extrémités qui étaient revêtu, d’un côté par l’embout, de l’autre par la cage à balle de ping-pong. Ces travaux, effectués dans un bain de vapeur continuel, transformant notre siège social en Hamann moyen-oriental.

Je ne pense pas que malgré notre haut débit, la dette de la Spirotechnique ai pu être remboursée, tout juste amortie, mais cela ouvrait le champ pour Galerne, à d’autres réclamations de prêt de matériels, qu’il pensait ainsi, justifiés.

Il proposa, par la suite, à cette entreprise, de transformer cette utilisation en «Etudes et Essais de matériels de plongée Professionnelle » Cela a surtout consisté à leur rendre après un usage pour le moins brutal et intensif des restes de vêtements en lambeaux, des détendeurs cabossés, des bouteilles poncées à blanc sur les fonds vaseux et sableux de nos chantiers.

Afin disions-nous de fournir à ces essais et études des résultats probants, nous demandions systématiquement le remplacement au fur et à mesure des résultats.

Toute autre société y aurait déposé son bilan, la Spiro étant une filiale de l’Air liquide, à pu résister aux projets de Galerne et à la manutention, pas toujours délicate de ses plongeurs…mais en conclusion, on peut néanmoins retenir que des années après le matériel pro, d’une solidité à toute épreuve sortit de leurs ateliers, est encore utilisé.

Revenant à nos plongées dites d’entraînement, nos explorations ne nous permettaient pas de grandes découvertes, la visibilité n’excédant pas 20 centimètres à partir de la vitre du masque. Mais ainsi on se familiarisait avec l’environnement qui serait le nôtre pendant toutes nos années de travaux publics subaquatiques.

Aux trois ou quatre permanents attitrés que nous étions, venaient s’ajouter des candidats éventuels, certains en charge d’une famille…. Ils étaient bien reçus car quelquefois accompagnés de leurs épouses, qui enthousiasmées par notre avenir glorieux et cultivant, comme chez toute femme, quelques instincts maternels, amélioraient notre ordinaire en nous servant des plats cuisinés roboratifs, qu’elles préparaient avec amour, sans doute, mais aussi en grande quantité, pour que cela dure plusieurs jours. Cette dernière prévision optimiste était, hélas, souvent battue en brèche devant nos appétits féroces. D’ailleurs cela se ressentit pleinement quand la densité des félidés du voisinage vint à diminuer très sensiblement. Ceci n’atteignit jamais des seuils critiques et nous ne devions pas assister à la disparition de cette race animale familière…enfin familière de moins en moins…

Nous avons eu aussi des plongeurs de toutes origines, donneurs d’avis éminents et péremptoires sur notre comportement sous-marin. Ces conseillers, issus des premiers clubs de plongée ou d’un organisme vacancier qui fit par la suite beaucoup parlé de lui, essayaient de nous inculquer les calculs savants des tables de décompression, ou l’élaboration d’une nage élégante. Leurs passages parmi nous étaient brefs, leurs histoires et aventures méditérannéennes éveillant peu d’écho.

Il faut dire que Galerne considérait tous ces adhérents possibles avec un certain recul. Pour lui, en dehors de gaillards possédant une profession manuelle de base sérieuse, pas de salut. Et évidemment, mis en condition journellement par ses arguments, nous pensions de même. Nous avons eu aussi des plongeurs issus du monde militaire et là, c’était beaucoup plus sérieux.

L’un d’entre eux, Nageur de Combat distingué du 11ème Choc, nous réunissait et nous enseignait les vertus de l’utilisation des matières explosives et détonantes. Ce côté commando un brin viril retenait favorablement notre attention, surtout qu’il avait adjoint à ces cours théoriques, un entraînement de nage nocturne…dame ! Les nageurs de combat ne frappent que la nuit.

Et c’est ainsi que les mariniers, prenant le frais sur le pont de leurs péniches amarrées aux quais, allant du pont de Bercy jusqu’à l’île St Louis, voyaient passer, en ordre de bataille, nageant un crawl qui se voulait discret, une équipe de « Grenouilles. Ce, après un dîner léger qui ne risquait pas de nous causer une hydrocution…En ce temps là, il était recommandé de ne pas se mettre à l’eau pendant la digestion… mais nous n’avons jamais eu aucun problème, les menus de nos repas du soir, pourraient très bien figurer actuellement dans des ouvrages vantant une cuisine garantie diététique et… amaigrissante.

Galerne, encore une fois, était là aussi un précurseur…. de la gastronomie moderne.

Nous avions donc de saines occupations et « un esprit sain (ou presque !) dans un corps sain » ce qui était évident.

Au fil des mois, nous nous faisions connaître tant par nos facéties que par nos compétences.

Un jour, enfin, j’installais le Bureau de Galerne en bas de l’escalier, à droite. En fait j’y posais simplement le plancher, les plinthes, les fenêtres hublots carrées, et la porte.

Notre directeur était enfin bien place, et il s’empressa de faire éditer une carte de visite indiquant que la SGTMF, et ses Hommes Grenouilles, existait légalement. Il y était mentionné que le siège social de notre entreprise était situé 19, rue st Antoine, lieu d’un bien modeste commerce tenu par Mme Galerne mère, qui y créait et y distribuait des lustres en fer forgés….dont la peinture raffinée était déposée par les mains délicates de son fils André. Voir Galerne, avec sa stature de 1m90, tenir un fin pinceau, destiné à transformer de la ferraille même ouvragée en œuvre d’art tenait d’un paradoxe audacieux.

Sur le reste de la dite carte figurait aussi pour indiquer ce haut lieu de nos activités « Ponton-Laboratoire, face au 2 quai de la Râpée. Pour ponton nous étions dans la pure vérité, pour le Laboratoire, nous nous sommes souvent posé des questions, et je pense, avec le recul et l’âge qu’il s’agissait vraisemblablement de la recherche d’une nouvelle culture et d’une amélioration nous amenant à penser « Galerne »

D’autres s’y sont souvent essayés dans des pays vantant le futur bonheur du peuple, ils n’ont jamais réussi, André, oui, et en plus on rigolait bien.

Pour en revenir à cette carte, elle eu par la suite d’autres utilisations fortes éloignées de son strict but commercial d’origine, comme je vais vous le conter…

Quelques années plus tard, la Péniche possédant ses bureaux en bois d’acajou sur le pont, il y avait une grande salle de réunion, côté large. Tous les prétextes étaient bons pour y organiser des « fiestas du samedi soir »

Distractions consistant à inviter de jeunes personnes du beau sexe, à une soirée dînatoire et dansante. Ce afin d’amoindrir leurs défenses vertueuses, renforcées par une contraception dans les limbes, pouvant amener ces jeunes personnes à craindre le pire…et pour le pire, si l’on peut ainsi évoquer ce que certain appelle le septième ciel, nous avions quelques rudes gaillards peu respectueux de la morale rigide de ces temps déjà démodés à leurs yeux. Pour recruter une quantité suffisante de cavalières, nous nous partagions dans les nombreux dancings parisiens tel que le Moulin rouge, Mimi Pinson, le Royal Lieu et autres lieux festifs du même ordre. Et là nous lancions nos invitations sous forme de la célèbre carte, de visite largement distribuée, Galerne en ayant fait imprimé une masse importante destinée à une future clientèle qui ne le serait pas moins.

Nous en avions d’ailleurs toujours une vingtaine d’exemplaires en poche…un client même au coin d’une rue, à la boulangerie ou au déboulé du coup de rouge, cela occupait nos âmes innocentes et peu familiarisées avec le monde commercial.

Donc, nous ne manquions pas de munitions. Et pensez donc, une invitation pareille, faites par de beaux Hommes-grenouilles…sur une péniche, sur la Seine, c’était le succès garanti

Et ce d’autant plus que le contrôleur de l’autobus qui desservait le quai de la Râpée, ne manquait jamais le samedi soir de crier à l’arrivée « Quai de la Rapée…la Péniche ! » Résultat normal devant le nombre de donzelles qui lui avaient demandé, lors des premières fiestas, où nous gîtions !

J’ai ainsi vécu de 1953 au 1er novembre 1954, sur la Péniche de la SGTMF, séjour heureusement entrecoupé de plusieurs chantiers de travaux sous-marins.

G. Loridon raconte d'autres épisodes sur son blog personnel riche de tas de souvenirs et d'anecdotes : http://scaph-blog.over-blog.com


Toujours la spéléo... avec des records du monde !


Le clan Claude Sommer n'est pas le seul ! Antonio Castro en a dénombré une trentaine, un peu partout en France. Certains sont rattachés à un "Centre", d'autres semblent indépendants. Un petit inventaire...

* Dans l'Est : un centre à Vesoul, des clans à Dijon, Besançon, Auxerre, Lure, Vesoul, Chaumont, Charleville, Belfort...

* Dans les Alpes de Savoie et Dauphiné : un centre à Chambéry, des clans à Annecy, Grenoble, Lyon (Charcot et Gémeaux)

* Dans les Alpes de Haute-Provence : un centre en Avignon, des clans à Apt, Manosque, Valréas, Avignon, Toulon, Draguignan, Châtillon en Diois

* Dans les Pyrénées : un centre à Tarascon en Ariège, des clans à Albi, Saint-Gaudens, Foix, Saint-Affrique, Cahors, Béziers, Nîmes

* Parmi les "indépendants" : à Paris, le clan Claude Sommer bien sûr ; un "clan d'Aquitaine" à Périgueux, un "clan de Normandie" à Rouen, 7 clans en Algérie : Alger, Tlemcen,  Sidi-bel-Abbès, Constantine, Philippeville, Bougie, Souk-Ahras.

Quelques-uns se font remarquer :

En 1953, le clan de la Verna à Lyon :

 

En 1956 : le clan du Moulin Vert de Paris explore la gouffre du Caladaire :

En 1958, le clan de Castres se met aussi à l'exploration de grottes :


Un autre exemple : le CESAME, groupe "éclaireur" de spéléologie en Ardèche

Jean Nicole, ancien Commissaire National Route, nous a transmis un document intitulé "Trente ans d'amitié en Basse-Ardèche" racontant les origines et les activités du CESAME, Centre Éclaireur de Spéléologie et d'Archéologie de Mézelet, créé en 1962 par une équipe de responsables de Roche la Molière.

Club de spéléo, centre de recherches préhistoriques et archéologiques, animateur et gestionnaire de la grotte des Huguenots à Vallon Pont d'Arc,cadre de vie pour des nombreuses activités, animateur en milieu scolaire, réalisateur de documents audio-visuels... le CÉSAME se présente comme une "auberge espagnole". Excellent exemple de prolongement des activités "éclés" vers l'éducation populaire.

À la suite de cette information, nous avons reçu une fiche de présentation du CÉSAME :

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1954 : des rassemblements de vieux tacots... avec beaucoup d'imagination !

Dans cette période, la branche aînée fait preuve de beaucoup d'imagination pour se doter d'activités variées. Bien sûr, la spéléo et la découverte de grottes diverses est très appréciée un peu partout en France, mais de nombreux clans se sont équipés de vieilles voitures, ce qui permet d'organiser périodiquement des "rassemblements de vieux tacots" qui, est-il précisé, ne sont pas des rallyes car on ne cherche pas la vitesse ! Et, à Montpellier, un clan "archéologique" recueille de précieux souvenirs en grattant le sol de la région. "Le Routier" nous raconte quelques épisodes...

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Souvenirs de Route : le clan Pi et "Chant Nouveau"

Un échange de lettres qui rappelle toute une période... et une action !

Le 16 septembre 2006 : lettre de Micheline Pouilly

Dans les années 1960, je fus accueillie par le Clan Pi situé alors à Puteaux dans le département des Hauts de Seine. Ce Clan mixte accueillait des jeunes de la banlieue Ouest de Paris, et de Paris même. En 1966, avec les Eclaireurs mixtes d’Aulnay sous Bois, nous sommes allés trois semaines en Pologne pour rencontrer des Eclaireurs Polonais.

J’ai perdu contact avec les uns et les autres. Beaucoup de noms m’échappent. Où se cache le Clan Pi maintenant ? Par cette lettre du 9 janvier 2006, Colette Charlet « Avocette » me lance une corde de rappel qui attirera peut-être l’attention d’anciens Éclaireurs et Éclaireuses qui reconnaîtront leur histoire.

Colette nous faisait chanter des chansons toutes neuves (et pour cause…). Elle a fait déborder nos carnets de chants…

Lettre du 9 janvier 2006 de Colette Charlet, dite « Avocette », à Micheline Pouilly

Réponses à tes questions

Je vois défiler toute mon adolescence et ma vie de jeune adulte dans une période qui fut, à la fois, pleine de douleur et de bonheur à la fois puisque je perdais à peu d’intervalle ma mère et une de mes sœurs. Je devais élever les quatre qui restaient. Cela s’étageait de 9 à 17 ans… en même temps les EEDF me permettaient de découvrir le monde et une réelle fraternité, de sublimer les souffrances par la création en rencontrant le Groupe « Chant Nouveau » avec les frères Bouteille et Michèle Duphil, fille de René Duphil. Ma plus jeune sœur, âgée de 6 ans, perturbée par la séparation d’avec ma mère eut la chance d’avoir pour institutrice, la femme de René Duphil. On l’appelait «Castorette ».

Toute la transmission des chants de ton carnet est en fait le résultat du travail du groupe « Chant Nouveau ». J’avais à cœur de transmettre un patrimoine, une mémoire du groupe. Je fus d’ailleurs souvent chahutée par les hommes du clan PI qui raillaient mon originalité, mon indépendance d’esprit. Je n’avais pas beaucoup l’esprit « clanique ». Je venais d’une famille qui avait subi l’holocauste, l’errance, la peur, et chanter était une façon de montrer que la vie était plus forte, de faire entendre ce qu’il y a de plus profond dans chaque peuple.

Contradictoirement dans ce clan, grâce à Roger Lambert, musique et poésie tenaient une grande place. Roger composait et écrivait de la poésie et des chansons poétiques. Il était un grand admirateur de St-John Perse. Nous organisions des soirées poésie et chants qui étaient publiques sur une péniche ancrée sur la Seine, au pont de Puteaux. Si mes souvenirs sont exacts, elle appartenait à Paul-Emile Victor dont Roger était l’ami.  Ces soirées étaient mémorables pour des jeunes d’origine modeste qui n’avaient jamais entendu de poésie de la sorte, de leur vie.  On animait aussi des veillées dans des villages où l’on faisait des camps comme à Valdrôme (Drôme), on participait à des travaux d’intérêt général avec des paysans et des forestiers. La ligne d’action qui nous faisait fonctionner était un article des statuts des EEDF : «Être conscient des problèmes sociaux et soucieux de les résoudre ». Cet article reste la ligne de conduite de ma vie et de mon engagement vis à vis de ceux qui souffrent qui se sentent exclus à travers le monde.

Tu te demandes d’où vient et comment naquit le Clan PI ?

Il naquit au milieu des années 1950 avec des jeunes d’origine modeste et qui partageaient la passion de la montagne comme Roger Lambert ou Jacques Leplat notre responsable de groupe.  Il ne porta pas d’emblée le nom de Clan PI. Seul suffisait le fait d’être ensemble, de reconstruire notre pays qui avait été ravagé par la guerre, sur d’autres valeurs propres à l’éducation populaire et à la paix. Toutes nos familles avaient souffert. Nous le répétions souvent : «Plus jamais cela, plus jamais d’horreur !»

Un événement nous marqua tous : la disparition du premier responsable du clan ; dont je ne me rappelle que le prénom : Pierre. J’étais éclaireuse et je fus bouleversée. Mourir pour sa passion de la montagne. C’était inacceptable ! Pourtant notre clan continua à vivre de sa passion de la montagne, de la spéléo, des longues randonnées.

Un autre aspect de la formation : c’est l’aspect politique et le refus de la guerre d’Algérie. Beaucoup de jeunes du clan, en âge d’être appelés furent envoyés en Algérie. On avait peur qu’ils se fassent tuer. Ils racontèrent des évènements horribles, en particulier sur la torture.  Nous organisions des débats sur cette fameuse péniche ou ailleurs, débats traitaient de ces questions, de la monstruosité de la guerre. C’est à ce moment que le nom du Clan PI a été définitivement adopté au début des années 1960, en référence à la Grèce, au développement de la démocratie dans l’Antiquité. C’était un clin d’œil plein d’humour.

Une Charte fut élaborée longuement, où tous les «ratiocineurs» du clan s’écharpaient : grâce à François Légalité qui était à l’époque au clan d’Annecy, «Les Copains d’abord», et avec Pierre Chêne (Jean Allot). François ramassait, selon une habitude, tous les journaux de clans. Je possède la Charte du Clan PI. Jamais je n’aurais imaginé cela. Cela fait 46 ans et je ne connaissais pas encore François avec qui je vis maintenant.

Après la mort de Pierre, le premier référent de notre clan, beaucoup de jeunes issus de classes favorisées ou de commerçants sont arrivés apportant un brassage. C’est l’époque de Jacques Piraud, François Baize et ses frères, Jacques St-Yrieix, Antoine de Muret de Labouret, les frères Becker, un certain Alphonse dit «Bélier» et ses deux sœurs puis plus tard son jeune frère, Philippe Barthel dit «Grizzly», des élèves de Jacques Piraud qui travaillait dans un lycée professionnel, etc. J’en oublie beaucoup, ce fut une période stimulante où il y eut beaucoup de mariages au sein de ce clan souvent après les camps d’été.

Notre clan était un peu anti-conformiste, car on y pratiquait la co-éducation, ce qui avant1968 était une révolution. La fusion avec les FFE au début des années 1960 marqua des évolutions et nous apprîmes des unes et des autres.

L’image de notre clan ? Souvent, on me questionnait quand j’étais à l’extérieur. Nous étions l’objet de curiosité et de méfiance parfois… Je pense que les problèmes dont tu fais mention dans les années 1970 sont à la fois des problèmes d’orientation politique, philosophique et pédagogique. Cela a abouti à des prises de pouvoir par certains, mais curieusement notre mouvement jouissait d’une bonne audience nationale et internationale.

Pourquoi garde t-on un souvenir des frères Becker ? (Bernard, Maurice et ??) : parce que leurs parents nous offraient l’hospitalité dans le fournil du Père Becker. On y faisait nos réunions de clan hebdomadaires, la veille du jour de fermeture de sa boulangerie. Nous repartions avec les restes d’invendus en viennoiseries et pains. Nous ne possédions pas de local car nous avions été chassés par la Maire socialiste de l’époque, sur Puteaux. Ces personnes nous ont permis d‘exister, d’éviter la dispersion.

Une des caractéristiques du Clan est son ouverture aux problèmes de société et du monde. Chaque camp d’été alternait un camp en France sur un projet d’intérêt général, généralement en montagne, et un camp à l’étranger. Nous avons découvert l’Espagne du franquisme, la Grèce des colonels, le Portugal de Salazar et la Pologne renaissante en 1966. En ce qui concerne ce pays, ce fut un voyage initiatique et aux sources puisque ma mère était native du ghetto juif de Varsovie. J’ai pu mesurer combien l’antisémitisme était encore présent. Bien que combattu dans les textes, il avançait encore masqué.

Cette expérience internationale au sein du clan me permit grâce à des stages de participer à des projets internationaux dont une des responsables était Monique Grappin. Je fus envoyée au Canada et aux USA en 1967 pour représenter les EEDF pour le Centenaire de la Fédération Canadienne avec l’ensemble du scoutisme féminin français. Je fis de fréquents séjours en Allemagne, reconstruisant des liens avec ceux que l’on avait longtemps considéré comme nos ennemis. Il me fallut beaucoup de compréhension pour aboutir à des liens de fraternité. J’en garde des souvenirs émus car nous avions compris que nous étions des humains et que la guerre avait fait assez de dégâts dans les têtes. Les seuls vainqueurs étaient les marchands de canon et non les peuples.

Enfin je découvris le Moyen-Orient, Liban et Syrie, par un séjour de jeunes responsables d’éducation populaire pour aider les jeunes à se reconstruire. Je découvris en 1972 la réalité des camps palestiniens comme Sabra et Chatila ou au Sud Liban. Parfois je redoutais les passages des avions israéliens durant les nuits quand on était tout près de la frontière. Ce fut douloureux, car de l’autre côté de la frontière mes cousins et cousines judéo-polonais passaient leur été dans un kibboutz. C’est en parlant et travaillant avec les gens de cette région que je découvris une fois de plus l’absurdité de cette guerre. Les hommes et les femmes du Liban avaient les mêmes postures que mes oncles et tantes maternelles. Une question me hantait : pourquoi les peuples sémitiques se font-ils la guerre ? Les discussions philosophiques avec de grands leaders comme Kamal Joumblat, en son palais druze, ou des responsables religieux de toutes confessions me marquèrent à tout jamais. En se promenant on sentait toute l’épaisseur d’une longue histoire de civilisations.

Après ce séjour, je quittai les EEDF, car je partais enseigner à l’étranger. Je peux dire que c’est grâce à l’expérience accumulée au contact d’autres peuples que j’ai pu réaliser de tels projets. Avec les EEDF, j’avais gagné un optimisme à toute épreuve et dans des situations parfois difficiles d’exclusion ou de racisme. Le mot «pédagogie de projet» inventé dans nos stages avec Jean Estève et Andrée Barniaudy-Mazeran ne fut pas que des mots mais un espoir de changer le monde, de ne pas supporter l’inacceptable, d’être au service du collectif.

Dans ma vie d’adulte, j’ai fait souvent référence aux EEDF, aux valeurs développées pour un monde plus juste. J’ai souvent coopéré à des projets à l’étranger, en particulier en Amérique Latine et au sein de mouvements internationaux d’éducation à la Paix. J’y rencontre souvent des personnes qui ont été membres de notre mouvement. Comme moi, ils ont puisé des forces pour ré-enchanter le monde.

Colette Charlet apporte quelques précisions

Message du 11 octobre 2006

Comme je l'ai répondu à Micheline Pouilly, l'existence de Chant Nouveau date du milieu des années 60. Par étourderie j'ai fait une erreur sur mon ordinateur. Il est bon d'avoir une mémoire plurielle. J'ai fréquenté le groupe de "Chant Nouveau" à partir du milieu des années 60. Nous nous réunissions dans un préau d'école rue de Vaugirard. Au début, Daniel Bouteille et Michèle Duphil en étaient les principaux animateur et animatrice. Ce sont du moins ceux qui m'ont marquée et formée. (Je me réconciliais pleinement avec la musique car les profs du lycée de jeunes filles que je fréquentais m'en avaient donné la nausée).

Je découvris avec eux le monde des cabarets rive gauche et des chanteurs marquant de la chanson ou d'expression française. A cette époque beaucoup de chanteurs québécois débarquaient, comme Gilles Vignault ou Claude Léveillée, et nous eûmes le privilège de les découvrir et de les chanter. La guerre d'Algérie avait marqué les consciences ; en pleine guerre du Vietnam, nous nous sentions très proches des chanteurs américains comme Pete Seeger, Woody Guthrie... et nous fréquentions le centre américain de Paris où Lionel Rocheman nous faisait entendre ce que l'on a appelé par la suite les "protest songs". Nous rendions parfois visite à Romain Bouteille qui commençait son expérience de café-théâtre.

Quand je suis partie en Amérique du Nord, en 1967, pour représenter les EEDF pour célébrer le centenaire de la Confédération du Canada, à l'invitation des mouvements de scoutisme féminin nord-américains, Daniel Bouteille m'avait chargé d'une mission : rapporter le plus de disques de chanteurs de protest songs et de chanteurs de "boîtes à chansons" québecois pour que l'on puisse se les approprier, partager nos espoirs pour un monde plus juste et sans guerre. (C'était le temps des grandes marches avec Martin Luther King). Mes choix, mes aspirations choquèrent parfois la responsable new-yorkaise qui m'hébergeait. Elle disait de moi que j'étais aussi une "protest girl".. Mais, en dépit de nos opinions différentes, nous sommes restées en contact. Elle me disait qu'elle avait accueilli des jeunes du monde entier et souvent elle ne gardait aucune relation épistolaire, j'étais l'exception car nos histoires avaient beaucoup de points communs. Nous étions des rescapées de l'horreur nazie. Elle avait quitté la Roumanie et son mari l'Allemagne. Leur maison était toujours ouverte à l'étranger qui passait. A plus de 80 ans elle s'est mise à l'informatique. Voici 3 ans que je n'ai plus de nouvelles ; je pense qu'elle est décédée.

Je pense que "Chant Nouveau" a enrichi le répertoire traditionnel des chants du scoutisme. J'en discute souvent avec Jean Allot (Pierre Chêne) avec qui je suis toujours en contact. Il est venu sur Annecy où je réside maintenant pour animer un stage de formation de conteurs. Il a gardé cette profonde jeunesse de lutte, c'est un enchantement de travailler, de bavarder avec lui.


1952 : la Route essaie d'aborder le sujet de l’objection de conscience

Les « Cahiers Route » sont l’organe d’information des responsables de la Route, qui sont, dans leur totalité, des adultes. Ils viennent en complément de la revue « Le Routier » que reçoivent tous les aînés. Ils se présentent sous forme de fiches et sont édités en coopération avec les branches aînées de plusieurs Mouvements européens non confessionnels : Boy-scouts et Girl-Guides de Belgique, Fédération Nationale des Éclaireurs Luxembourgeois, Scouts Musulmans Algériens. Ils sont imprimés sous la responsabilité des E.D.F., mais le sommaire de chaque numéro précise que « ces textes sont communiqués à l’ensemble des lecteurs pour information, mais leur publication n’engage en aucune façon les associations dont le nom ou les initiales ne figurent pas clairement en tête de ces fiches. »

Cette indication explique que le texte qui suit, tout en posant clairement le problème de l’objection de conscience, soit présenté sous forme de « thèse » et sous les initiales B.S.B.. Jean Van Lierde, auteur de cette déclaration (et de l’article) est un militant syndicaliste, ancien président de le J.O.C. et membre de l’équipe nationale de la Route F.S.C. (scoutisme catholique) collaborateur de « Témoignage Chrétien » et d’autres publications. À partir d’une « déclaration de principe de l’Internationale des Résistants à la Guerre », Jean van Lierde expose sa posiiton pacifiste, ayant pour but de « dépasser la guerre par en haut ».

Cette publication, dans une revue éditée par les E.D.F., provoque très rapidement quelques réactions dont certaines sont «d’humeur» mais d’autres posent le problème de fond de l’information des jeunes en vue de la réflexion et du débat. Le titre de la rubrique, « thèse » dans le numéro 22, devient « thèse et débats » dans le numéro 23.

Un exemple de réaction d’humeur, publiée dès le numéro suivant des Cahiers :« Nous avons reçu par la poste la fiche « Pourquoi je refuse d’être soldat », publiée sous la responsabilité des B.S.B. dans le numéro 22 des Cahiers Route, déchirée en plusieurs morceaux et accompagnée de la carte (E.D.F.) de (nom du responsable). Celui-ci n’ayant ajouté aucun commentaire, nous ferons de même, et invitons seulement les responsables Route à donner eux aussi leur opinion sous la forme qu’ils jugeront la plus convenable. ».

Un autre exemple, dans le sens opposé : « Soucieux d’informer, les Cahiers Routes viennent de publier la déclaration que Jean Van Lierde fit au conseil de guerre. N’est-il pas opportun de se demander si « l’information » est une attitude suffisante en présence des drames se jouant autour de l’objection de conscience. (…) Ce qui devrait étonner, c’est la passivité des hommes, et particulièrement celle de Mouvements humanitaires – tel le Scoutisme – devant la violation des consciences. (…) On devrait exiger une prise de position et une action bien déterminée des Mouvements scouts face au respect des consciences pour ne pas rester davantage dans le camp de l’hypocrisie ».

Le numéro suivant prolonge l’échange : le clan de Pau pense que la France devrait disposer d’un statut de l’objecteur de conscience et certains proposent le remplacement du service militaire par un service « civil », en temps de paix comme en temps de guerre. Et Maurice Bayen, figure important du mouvement, pose sur le fond le problème des débats : « Je dirai donc à l’Équipe nationale Route : Soyez francs. Si vous voulez créer des objecteurs de conscience, dites-le, prenez-en la responsabilité : renvoyez solennellement vos croix de guerre aux autorités compétentes, dites que vous avez été criminels de les mériter, etc… mais ne vous cachez pas en disant que vous n’êtes pas responsables ». Ce à quoi l’Équipe Nationale en question répond : « Pour nous résumer, il ne faut pas considérer les textes, et surtout les réponses faites à ces textes, proposés pour alimenter des cercles d’études, comme des positions officielles de l’Équipe Nationale ».

On peut y voir une étape du « débat sur le débat ». Le Mouvement en connaîtra d’autres !

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