2013 : Une question importante au sujet de la Loi

Mar01Jan201311:11

2013 : Une question importante au sujet de la Loi

 ... et un essai de réponse en vue de quelques échanges

La question :

Je suis Cédric Weben alias Fennec à la fois ancien EEDF de 1979 à 1995 et  parent d'une éclaireuse et d'un routier toujours au sein du même groupe Lapérouse de Boulogne-Billancourt.

Notre groupe a suivi l'association jusqu'en 1974, année depuis laquelle nous sommes considérés comme un groupe "traditionnaliste". En réalité, nous avons simplement conservé le scoutisme tel qu'il nous a été transmis, c'est à dire dans l'esprit de son créateur. Ni les responsables, ni les parents ne souhaitent aujourd'hui modifier notre fonctionnement.

Je me suis aperçu sur le tard que si le scoutisme de BP fonctionnait, il se rapprochait également de la pédagogie institutionnelle. Pourquoi en changer ?

C’est dans cet état d’esprit que nous avons conservé la loi des EEDF de l’époque :

L'éclaireur, l’éclaireuse :

- est loyal (e).

- est propre, maîtrise ses paroles et ses actes.

- sourit, même dans les difficultés.

- aime le travail et l'effort, il ne fait rien à moitié.

- se rend utile.

- sait obéir et agir en équipe.

- respecte le travail et le bien de tous.

- écoute les autres et respecte leurs convictions.

- pratique la fraternité scoute.

- aime et protège la nature et la vie.

Cette loi que nous amenons les enfants à suivre, me semble en progrès sur le plan pédagogique par rapport à celle de BP sur plusieurs points :

- plus démocratique : "L'éclaireur sait obéir et agir en équipe" plutôt que "Le scout obéit sans discussion à ses parents, à son chef de patrouille et à son chef."

- plus écologique : "L'éclaireur aime et protège la nature et la vie" plutôt que "Le scout est bon pour les animaux"

- plus laïque : "L'éclaireur écoute les autres et respecte leurs convictions."

En outre, elle y adjoint quelques conseils :

"L'éclaireur est propre"

"L'éclaireur aime le travail et l'effort, il ne fait rien à moitié."

Cette loi n'a pas la prétention à elle seule de donner les recettes uniques du savoir-être, mais elle me parait une bonne base pour des jeunes qui se construisent.

C'est pourquoi j'espère en savoir plus sur sa création afin de leur transmettre.



Premiers éléments de réponse :

Remarque préliminaire : ces éléments représentent surtout une opinion, élaborée à partir du constat d’une évolution de notre Mouvement. Comme toutes les opinions, elle est certainement discutable, et c’est la raison pour laquelle il semble souhaitable d’ouvrir un débat sur ce sujet – et quelques autres qui s’y rattachent.

Le constat :

La loi « de B.P. » n’a jamais été importée en France, pas plus que la promesse, alors dénommée « le serment ». Comme toutes les traductions, elle est, au départ, une transcription et il est bon de rappeler que le scoutisme a toujours cherché à suivre l’esprit de son créateur – plus que la lettre de ses formulations. Le « livre de l’éclaireur » n’est pas non plus la simple traduction de « Scouting for boys » : dans tous les pays, le scoutisme s’est adapté à la société et s’est donné une richesse propre. C’est particulièrement valable en France où le choix initial de la « laïcité », qui semblait en contradiction avec la définition originelle – elle intégrait « le devoir envers Dieu » -, a été approuvé par B.P. lui-même dans un article désormais célèbre paru dans les années 30 comme dans ses relations avec les E.D.F.

L’évolution :

Ce point est important car il induit la suite : le scoutisme n’est pas une vérité révélée, dont les formes auraient été définies et fixées une bonne fois pour toutes. Lorsque les Guides du Kenya font de la formation à la contraception, elles font du scoutisme, même si le Fondateur n’y aurait certainement pas pensé !

En ce qui concerne plus particulièrement la Loi, elle semble avoir suivi cette évolution, avec quelques modifications de formulation nées de l’expérience, en conservant, pendant cinq décennies, sa structure d’origine, en une dizaine d’articles. Le changement concernant l’obéissance en est un bon exemple. En 1945, l’article sur la propreté s’écrivait : « L’éclaireur est propre dans son corps, ses pensées, ses paroles et ses actes », ce qui permettait à certains chefs d’expliquer aux garçons qu’il ne fallait pas se masturber…  

La formulation évoquée est, apparemment, celle qui a été retenue après la création du « nouveau Mouvement » en 1964. La nécessité de définir un nouveau « cérémonial » est apparue assez vite, mais le passage à l’acte a pris quelques années et a abouti à l’édition d’une plaquette dénommée » « Notre style » - on ne parlait plus de cérémonies ! – qui a vu le jour très exactement… en mai 68, à l’orée d’une période qui, justement, allait conclure pendant quelques temps à la suppression de tout… cérémonial. « Notre style » est certainement, dans l’histoire des publications du Mouvement, celle qui a été la moins diffusée – alors que, justement, elle intégrait beaucoup d’adaptations à la société et à son évolution…

La situation actuelle :

La période de crise qui a suivi mai 68 et s’est prolongée, aux E.E.D.F., sur plusieurs années, a conduit quelquefois à un rejet pur et simple de toute formalisation ressentie comme une limite à la liberté. L’orientation choisie par le Mouvement à l’issue de cette période a consisté à accepter une « diversification » des modalités à la base, ce qui explique que la formulation de la Loi n’a été ni interdite, ni rendue obligatoire. Par contre elle a conduit à une prise de conscience  - un risque de perte de nos « valeurs » - et à une reformulation proposée à l’ensemble du Mouvement par les voies démocratiques habituelles : le texte actuel est certainement très différent de ses prédécesseurs mais il en respecte l’esprit.

Il ne parle plus de l’éclaireur à la troisième personne, il évoque avec son « Nous… » la collectivité du Mouvement. Il est repris – et expliqué – en totalité dans la rubrique « Notre laïcité », article « Spiritualité et engagement », document officiel de l’association : la loi devient « règle d’or » et rappelle les valeurs de l’ensemble des membres du Mouvement ; l’engagement reste le résultat d’un choix exprimé par le jeune à partir de ces valeurs. Il est important de noter que ce choix est celui du Mouvement dans son ensemble, d’après ses règles de fonctionnement définies et acceptées en commun comme dans toute association.  Mais cette formulation n’est en rien incompatible avec les précédentes :

Pour mémoire, la même évolution avait été vécue à la branche aînée et avait conduit, dans les années 50, à la rédaction du « Code de la Route » qui reste un excellent texte.

Il n’y pas de « traditionalistes » ou de « non traditionalistes » car ce qui est appelé « tradition » est, en réalité, une création continue, souvent riche, avec un phénomène bien connue de balancier, certains allant un peu loin alors que d’autres préfèrent ne pas suivre. On peut considérer que sont « traditionalistes » tous ceux qui choisissent d’être membres d’un Mouvement de scoutisme qui s’annonce comme tel, dans un temps où les propositions de loisirs – plus ou moins «éducatifs » - foisonnent.

Mais à ce niveau se pose un problème de fond qui reste valable alors qu’il a été, en principe, traité chez les E.D.F. depuis le début des années 40 : le Mouvement est-il une fédération de groupes indépendants ou une association « nationale » définissant ses objectifs, ses méthodes et ses moyens par une mise en commun démocratique ?  Les décisions sont-elles prises au niveau des groupes locaux ou au niveau de l’ensemble associatif ? Compte tenu de l’importance des structures locales et, très souvent, de leurs animateurs adultes, il s’est avéré quelquefois difficile de « faire passer » au niveaux locaux les orientations nationales. L’évolution de la loi en est un bon exemple, mais c’est également le cas dans de nombreux autres domaines : la tenue (qui n’est plus un « uniforme »), le vocabulaire (les termes de « troupe » et de « patrouille » ont été abandonnés depuis les années 50),  les rituels, etc…

Comment ce problème de double niveau de décision est-il résolu ? Les années 70 ont montré qu’il aboutissait à des conflits pouvant mettre en cause l’existence même du Mouvement. Le choix qui a été fait, finalement,  est celui, pour les structures locales, d’une grande liberté à partir de l’acceptation d’un cadre commun. Ce qui suppose que toutes les structures en jouent le jeu, c’est-à- dire acceptent de tenir compte de ce cadre commun. Et c’est peut-être, finalement, un excellent exemple de… laïcité !

Imprimer